31 décembre 2015

Dynamique sacramentelle - 6

La logique trinitaire en invitant l'homme le rend participant au mystère même de la mort. Ses souffrances, comme son agonie, ne sont pas étrangères à cel‎les du Christ. Avec lui nous mourons, avec lui nous ressusciterons. Dans ce sens, notre mort est unie elle-même à la joie du Christ comme à celle des anges, car elle n'est pas finitude mais danse. 

30 décembre 2015

La tentation du mystère

Irénée combat cette tentation du mystère en insistant beaucoup sur l'ostentatoire de la religion catholique qui révèle une vérité simple et accessible à la différence de l'hérésie gnostique. Cette dernière se complaît dans ce que l'on appellerait aujourd'hui le culte de l'inititiation (repris par la franc-maçonnerie). Dans ma quête sur l'humilité de Dieu et de l'Église, y a t-il opposition avec cet ostentatoire ? Oui s'il devient triomphalisme (au sens donné par le cardinal de Smedt dans l'aula de Vatican II), non s'il s'agit seulement de chanter la gloire d'un Christ crucifié, mort pour nous détourner de toute violence et de toute haine.
Notre tentation de l'enfouissement peut avoir cette limite d'oublier que l'essentiel n'est pas dans le fait de rejoindre l'homme où il en est, mais bien, in fine, de l'accompagner plus loin, dans sa quête intérieure d'infini. Difficile dosage entre l'humilité et la Parole, entre le respect et l'engendrement, entre le silence et le cri.
Il faut peut être sentir, à la manière de Jésus, quand l'heure vient où la lumière doit sortir du boisseau, la Parole doit pénétrer jusqu'au jointures du corps. Car alors peut se révéler Dieu. Parfois, il reste néanmoins important de sentir que ce n'est pas notre oeuvre, que cela nous dépassera, que les voies de Dieu sont insondables.



29 décembre 2015

Humilité de Dieu - 5

Intéressante perspective de saint Irénée qui explique que les limites dans la vision de Dieu et donc son invisibilité foncière est lieu de progression pour l'homme (1). Du coup on peut concevoir que l'humilité de Dieu soit un chemin dans la croissance du croire, car elle entretient le désir.

(1) Saint Irénée, AH 2, 219

28 décembre 2015

La miséricorde divine

Jusqu'où va la miséricorde divine ? Penser Dieu comme infini de l'amour c'est accepter que nos limites et nos justices humaines volent en éclat
 Or Dieu n'est-il pas au delà de nos calculs, au-delà de nos justices. Une méditation de Luc 15 peut nous conduire à contempler que "la résurrection du pécheur est la décision extrême, la plus éclatante, que Dieu peut prendre à l'égard d'un être humain. Elle n'est pas seulement victoire mais renversement radical de tout ce qui a existé, à été vécu et espéré."‎ (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953, p. 53

27 décembre 2015

Face à la mort - chemin d'humilité

Intéressante analyse d'Adrienne von Speyr sur la condition humaine, ce monde fictif dans lequel on semble trouver sa raison d'être par nos oeuvres, cet "agir" dirait Bernard Pitaud. "Un monde qui reflète très fortement notre personnalité (...) un monde qui nous est conformé" jusqu'à ce que survienne l'inattendu qui ouvre à la reconnaissance qu'au dessus de notre jugement, "il y a une autre instance, une volonté qui influe sur lui. C'en est fait alors de [notre] monde fictif", nous devons faire tomber nos écailles et trouver le chemin du "vrai monde de Dieu". Cette expérience est une mort de ce qui nous est propre, mais surtout que l'on est "mûr pour le langage de Dieu" (...) " on devient libre pour lui" (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953, p. 30-31

A l'école de Nazareth

On parle souvent de la Terre Sainte comme d'un cinquième évangile.  Elle l'est dans la mesure où elle nous fait entrer dans la contemplation des sources contemplatives de Jésus.  Elle l'est aussi comme école d'humilité,  comme l'est tout contact avec la nature brute et grandiose du désert,  de la montagne et de l'immensité.  Mais elle l'est aussi dans sa manière de nourrir notre prière,  de nous mettre en route dans les pas du Christ. 

Dans une homélie de 1964, Paul VI nous conduit sur cette voie : "Nazareth est l'école où l'on commence à comprendre la vie de Jésus : l'école de l'Évangile. Ici, on apprend à regarder, à écouter, à méditer et à pénétrer la signification, si profonde et si mystérieuse, de cette très simple, très humble et très belle manifestation du Fils de Dieu. Peut-être apprend-on même insensiblement à imiter. Ici, on apprend la méthode qui nous permettra de comprendre qui est le Christ. Ici, on découvre le besoin d'observer le cadre de son séjour parmi nous : les lieux, les temps, les coutumes, le langage, les pratiques religieuses, tout ce dont s'est servi Jésus pour se révéler au monde. Ici, tout parle, tout a un sens. Ici, à cette école, on comprend la nécessité d'avoir une discipline spirituelle, si l'on veut suivre l'enseignement de l'Évangile et devenir disciple du Christ. Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble et sublime école de Nazareth, comme nous voudrions près de Marie recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines !

Mais nous ne faisons que passer. Il nous faut laisser ce désir de poursuivre ici l'éducation, jamais achevée, à l'intelligence de l'Évangile. Nous ne partirons pas cependant sans avoir recueilli à la hâte, et comme à la dérobée, quelques brèves leçons de Nazareth.

Une leçon de silence d'abord. Que renaisse en nous l'estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l'esprit, en nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de fracas et de cris dans notre vie moderne, bruyante et hyper sensibilisée. Ô silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l'intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l'étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret.

Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce qu'est la famille, sa communion d'amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable ; apprenons de Nazareth comment la formation qu'on y reçoit est douce et irremplaçable ; apprenons quel est son rôle primordial sur le plan social.

Une leçon de travail. Nazareth, maison du fils du charpentier, c'est ici que nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain ; ici, rétablir la conscience de la noblesse du travail ; ici, rappeler que le travail ne peut pas avoir une fin en lui-même, mais que sa liberté et sa noblesse lui viennent, en plus de sa valeur économique, des valeurs qui le finalisent ; comme nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin, le prophète de toutes leurs justes causes, le Christ notre Seigneur." (1)

(1) Paul VI,  Homélie du 5 janvier 1964 à Nazareth,  source AELF
  

26 décembre 2015

Te voir....

"Ne pas passer un jour sans désirer le voir" (1)
Tout un programme. Et pourtant, n'est-ce pas cela l'amour. Si je peux le dire à propos de ma femme pourquoi ne pourrais-je le dire à propos de Dieu ? Même si Exode 33 affirme que l'on ne peut voir sa face, il nous faut entrenir cette flamme de peur que le feu en nous se meure. 

(1) Paul Xardel, cité par Jacques Loew, Ce Dieu dont je suis sûr, p. 224

25 décembre 2015

Humilité de Dieu - 4

Ce n'était probablement pas ce à quoi la Vierge s'attendait après la visite de l'ange. On lui avait prédit l'arrivée d'un grand homme à qui l'on "donnera le trône de David" (Luc 1, 32) et la voilà rejetée de la salle commune,  obligée d'accoucher dans une mangeoire,  lieu impur dans le monde juif et pour cette femme que l'Église acclame comme immaculée. Paradoxe que cette naissance humble,  que ce Dieu qui se cache dans un homme dont la vie sera longtemps faite de fuite et de silence et qui finira dressé sur un gibet au milieu des malfaiteurs.  Il n'est pas venu pour les pharisiens mais les prostituées et les publicains (Mat 21, 30), qui nous précéderons dans le royaume.  

Le Fils de l'homme est né, Noël !
Jésus nous est donné.
Jour de notre grâce :
L'étable accueille un Dieu caché,
Rebut de notre race,
Il vient sauver le monde entier.





Joyeux Noël

Une crèche, mais aussi un mystère...

24 décembre 2015

Présence réelle

Je relis chez Chautard ses pages sur la vie intérieure et trouve ce que je considère comme une pépite : "La présence de Notre-Seigneur par cette Vie surnaturelle n'est pas la présence réelle propre à la sainte Communion, mais une présence d'action vitale comme l'action de la tête ou du coeur sur les membres ; Action intime que Dieu cache le plus ordinairement à mon âme pour augmenter le mérite de ma foi; Action donc insensible habituellement à mes facultés naturelles et que seule la foi m'oblige à croire formellement; Action divine qui laisse subsister mon libre arbitre et utilise toutes les causes secondes, évènements  personnes et choses, pour me faire connaître la volonté de Dieu et m'offrir l'occasion d'acquérir ou d'accroître ma participation à la vie divine." (1)

Ces propos pourraient être considérés comme Rahnériens, mais ont été écrits bien avant les grands développement du dit Karl‎. Ils reprennent cette distinction de l'agis et de l'agir déjà commenté dans ce blog et nourrissent à mon avis une introspection positive.

(1) Dom Chautard , L'âme de tout apostolat, op Cit  p. 13

23 décembre 2015

Le Verbe s'est fait chair

"Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous". En ces derniers temps de l'avent il nous faut contempler l'immensité de ce qui se joue dans cette phrase de Jn 1 que l'on peut mettre en écho avec cette traduction particulière d'Exode 3 : " Je serai qui je serai". Si notre regard se porte depuis le commencement jusqu'au Royaume à venir, nous percevons ce buisson ardent donné à l'homme : un feu déposé en nous, qui nous brûle sans nous consommer, qui nous réchauffe sans nous perdre, qui éveille notre désir sans nous contraindre. Le Verbe s'est fait chair. A quel prix ? Son humilité et sa miséricorde nous emporte sur un chemin non désiré par notre être attaché au monde, mais tant désiré par ce qui élève en nous la vérité et la vie. Depuis l'incarnation dans la beauté du monde, première trace du Verbe, jusqu'à la venue de l'enfant et le don du Fils de l'homme, se révèle en nous l'immensité de ce pain partagé, rompu pour un monde nouveau.
A cela s'ajoute le cri, qui jaillit depuis Gn 3, 9, cette invitation qui résonne dans nos vallées. Où es-tu‎ ? J'ai besoin de toi pour être corps, non pas morceau mais membre de l'Église vivante, comme le précise de Lubac. (1)

Cf. Jacques Loew op. Cit p. 168ss

22 décembre 2015

Nuit - Saint Jean de la Croix

Pourquoi nous parle-t-il‎ de la nuit ? Qu'est-ce que cela dit de l'humilité de Dieu ? "Cette source éternelle bien cachée, pourtant je l'ai trouvée, mais c'est de nuit. (...) ne sais son origine, mais que de toute origine d'elle jaillit, je le sais, mais c'est de nuit." (1)

Prix de notre liberté que cette kénose divine, que cette lumière noire comme le disait Madeleine Delbrêl. 

(1) Saint Jean de la Croix, Poème écrit dans le cachot de Tolède, cité par Jacques Loew, Ce Dieu dont je suis sûr, op. Cit p. 152

21 décembre 2015

L'Église c'est vous

Un petit Chinois qui répond aux Gardes rouges qui avaient fermé l'église du lieu et lui disaient : "Va-t'en, il n'y a plus d'église": "De quelle Église parlez-vous ? L'Église c'est moi" (1) nous rappelle s'il en est besoin que l'Église ne vit que par nous. Une immense responsabilité jaillit de ce constat.

(1) Maurice Zundel, Retraite‎ au Vatican quel homme et quel Dieu ? p. 199


16 décembre 2015

Wacite - poète musulman

"Celui qui veut contempler la gloire de Dieu, qu'il contemple une rose rouge." (1) 
Cette citation de Jacques Loew en 1982 a plus de goût à mon oreille que les propos actuels véhiculées par certains médias. Nous n'avons pas le monopole de la contemplation, même si notre vision de la gloire de Dieu est clouée sur une Croix.

(1) Wacite, cité par Jacques Loew, Ce Dieu dont je suis sûr, p. 144


15 décembre 2015

Image et ressemblance - 2

"Comme moi et toi nous sommes uns, ainsi qu'eux aussi soient un avec nous". Comme le suggère Origène, cette phrase du discours d'adieu de Jésus est une invitation à progresser dans la ressemblance, pour que "semblable on devienne un" (1)

Elle rejoint les nombreuses concordances relevées dans ces lignes, depuis les Pères de l'Église jusqu'à Bonaventure et Balthasar...

(1) Origène, traité des Principes, III, 6, 1, cité par Jacques Loew, op Cit p. 88

Tendresse et miséricorde - Rahamin et hesed

Revenir à l'hébreu pour en saisir le sens. Hesed exprime l'amour et la miséricorde, la fidélité et la bienveillance. "Qu'elle est précieuse ta hesed, Seigneur, les fils de l'homme se réfugient à l'ombre de tes ailes" Ps 36, 8
Dieu comme refuge dans la souffrance Dieu de tendresse...
On en arrive à Rahamin que l'ont traduit par entrailles ou par sein. "J'ai été tissé dans le ventre [rehem]de ma mère" Ps 139, 13
"Rahamin est la tendresse de la femme pour le fruit que neuf mois elle a mûri"...(1)
J'ai déjà souvent évoqué les splanchna de Dieu qui ne sont autres que le mot grec qui lui correspond. En cette année de la miséricorde, contemplons le sens profond de cet amour ‎maternel de Dieu qui nous conduit aux verts pâturages du royaume. Laissons toucher par cette image de Rembrand sur le fils prodigue, à ces deux mains paternelles et maternelles de Dieu.

(1) Jacques Loew, ce Dieu dont je suis sûr, op Cit p. 129-131
Voir aussi mon "chemin de la miséricorde"...


Où es-tu ? Gn 3

Les lecteurs de ces pages savent combien j'attache de l'importance à cet "Où es-tu ? " de Gn 3. Jacques Loew résume bien, à sa manière la problématique : les deux milles pages de la Bible qui suivent sont pour lui celle d'un Dieu "qui cherche l'homme pour le combler au delà de tout ce qui peut se dire et comment l'homme en réponse se fait chercheur de Dieu ou se dérobe. La nudité que prétexte Adam signifie le refus de se présenter à Dieu tel que l'on est, sans défense" (1)

Saint Jérôme n'a pas tort de dire qu'il s'agit de notre histoire. Même s'il est parfois ridicule de se cacher devant Celui qui "nous sondes et nous connaîs" (Ps 139), il nous arrive de croire que l'on peut échapper à son regard. C'est peut être parce que l'on ne connaît pas l'ampleur de sa miséricorde et de sa tendresse... Ce n'est qu'en la contemplant qu'on sent l'amour...

La fausse image du Dieu vengeur n'est pas morte...


(1) Jacques Loew, Mon Dieu dont je suis sûr, Fayard / Mame, 1982 p. 109

14 décembre 2015

Chercheur d'humanité

Chercheur d'humanité : C'est un titre que j'ose me donner parfois, dans la lignée de cette contemplation de l'homme avec un grand H découverte chez Mounier, Maritain ou Jean-Paul II. Jacques Loew peut être assurément classé dans cette race là. A partir d'une réflexion du professeur Joyeux, il souligne que l'homme a sur l'animal cette supériorité d'être capable d'admirer. (1)

Cela fait résonner en moi le premier stade de l'Oraison précisée plus haut chez Jean-Jacques Olier : contempler.

L'homme est homme quand il contemple, c'est à dire quand il est capable d'humilité devant le Beau qui se révèle à lui. Et ce faisant, il se dépouille de sa puissance, de même que le Christ dépose son vêtement avant de s'agenouiller devant l'homme...

(1) op Cit p. 75

12 décembre 2015

La théologie du coquelicot

"Inviter l'homme a un certain type de regard (..) à regarder la nature dans son environnement premier" (1), telle est la théologie du coquelicot de Jacques Loew ‎parue dans un Fêtes et Saisons de 1953 sous le titre de "Dieu existe", récit d'une pastorale en milieu urbain et ouvrier. Le prêtre se justifie avec cette phrase de Vatican I, reprise dans Vatican II : "Dieu principe et fin de toutes choses peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées : "depuis la création du monde, ses perfections invisibles se laissent voir à l'intelligence par ses oeuvres" (Rom 1, 20)" ..

On peut toujours objecter à cela l'imperfection de la nature, mais c'est peut être se cacher devant une évidence : derrière ce qui nous est donné de contempler se cache l'amour infini. Y résister est finalement faire preuve d'orgueil. Croire que l'on peut seul trouver une explication au mystère, se substituer à ce que Dieu a écrit entre les lignes et dont nous contemplerons in fine le but ultime (2)
Qui suis-je dit ? Job devant tant de mystère.

(1) Jacques Loew, ce Dieu dont je suis sûr, op. Cit p. ‎70
(2) cf. à ce sujet le post récent de saint Jean Chrysostome




11 décembre 2015

Dynamique sacramentelle - 4


Jean Paul II, dans une intervention à Rio de Janeiro en juillet 1980‎ nous invitait à ce que "notre personnalité disparaisse devant [celle du Seigneur], puisque c'est Lui qui agit par notre entremise". Dieu nous exhorte à faire de "notre vie une intime, progressive et ferme imitation du Christ Rédempteur" 

Ce texte entre pour moi en résonance ‎avec ce que je cherche à traduire dans la dynamique sacramentelle

10 décembre 2015

Le mal

Après une longue contemplation sur le coquelicot et la beauté du monde créé, sur les pas de François d'Assise, Loew nous conduit, comme en contraste à envisager le mal comme lancinant et pernicieux. "Le mal m'apparaît comme n'étant pas la réponse définitive (...) Dieu ne peut laisser le dernier mot au mal, Dieu est innocent du mal : la seule définitive certitude est là, mais elle ne peut être dite qu'avec une douloureuse humilité, à genoux en quelque sorte. (...) plus l'un s'abaisse dans les ténèbres, plus nous sommes obligés de placer l'autre dans la lumière. Alors je puis affronter cette idée (...) plus lucidement, plus humblement, sans demander des comptes à Dieu".

A genoux devant l'homme, y compris devant l'homme porteur du mal, comme ce Christ à genoux devant Judas, allant jusqu'à lui laver les pieds, allant jusqu'à chercher à communier avec lui. Tel semble être le chemin tracé par Dieu face au mal dont il reste innocent puisque face à nos pulsions de mort, il se tait et il souffre. Son discours s'arrête sur la Croix, ultime abaissement de Dieu devant le mal, ultime signe aussi du jusqu'au bout de sa miséricorde.

(1) Jacques Loew, Mon Dieu dont je suis sûr, Fayard Mame, 1982, p. 67-68

09 décembre 2015

Jacques Loew - chemin spirituel

Nous poursuivons notre quête avec la lecture de Mon Dieu dont je suis sûr, de Jacques Loew (1) prêtre déjà croisé, car proche de Madeleine Delbrêl‎. Ce livre est avant tout une contemplation de ses 50 ans de vie chrétienne. Les premières pages retracent sa conversion intérieurs ponctuée d\'un verbatim de saint Augustin que l'on peut citer comme un itinéraire : 
1) Tu nous a fait pour Toi mon Dieu ! Et notre coeur est inquiet jusqu'à ce qu'il ne repose en toi (2)
2) Les choses restent muettes pour l'un, tandis qu'elles répondent à l'autre. Ou, pour mieux dire, elles parlent à tous, mais ceux-là seuls qui comparent cette voix venue de dehors avec la vérité qu'ils portent en eux (3)
Maritain se glisse dans cet itinéraire avec cette phrase sublime qui invite à une réceptivité "où nous sommes devenus assez disponibles assez vacants, pour entendre ce que toutes choses murmurent et pour écouter au lieu de fabriquer des réponses" (4)
Viens alors cette dernière citation de Augustin que l'on n'a pas fini de déguster : 'tard je t'ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t'ai aimée ! Mais quoi ! Tu étais au dedans de moi, et j\'étais, moi, en dehors de moi-même ! Et c'est au dehors que je te cherchais (...) Tu m'as appelé, et ton cri a forcé ma surdité' (5)

Si l'on peut trouver dans la première phrase des accents rahnériens la dernière évoque pour moi Gn 3, ce cri de Dieu vers l'homme : 'où es-tu ?'. Ce cri que l'on ne veut pas entendre, quand nos adhérences nous conduisent loin du chemin, nous éloignent de Dieu.‎
‎(1) Jacques Loew, Mon Dieu dont je suis sûr,‎ fayard Mame 1982
(2) Cité p. 34‎
(3) Confessions X, 10‎
(4) Jacques Maritain, Sept leçons sur l'être. P. 56, 60‎, cité par Loew p. 45
(5) Confessions X, 27

Le voile du temple - Marc 15, 38 et Isaïe 25, 7-9

Une étude cursive de Marc souligne combien la révélation de la nature du Christ culmine dans la croix, avec ce verset qui précède le cri du centurion sur la nature divine du Christ : "Et le voile du sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas." (1)
La lecture d'Isaïe 25 vient souligner ce trait :
"Et il déchirera sur cette montagne le voile qui voilait tous les peuples, et la couverture qui couvrait toutes les nations,  Il détruira la mort pour toujours. Le Seigneur Yahweh essuiera les larmes sur tous les visages il ôtera l'opprobre de son peuple de dessus toute la terre; car Yahweh a parlé.  On dira en ce jour-là : "Voici notre Dieu ; en qui nous espérions pour être sauvés; c'est Yahweh, en qui nous avons espéré; livrons-nous à l'allégresse et réjouissons-nous en son salut." (2)

Alors le cri du Christ que nous entendons dans l'évangile d'aujourd'hui prend sens : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. 
Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » ( Mat 11, 29-30)

(1) Marc 15:38 BCC1923
(2) Isaïe 25:7-9 BCC1923




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07 décembre 2015

Création et économie trinitaire chez les Pères de l'Église.

Intéressante thèse de Pierre-Marie Hombert sur la Création chez les Pères de l'Église. Pour en résumé l'axe central c'est d'abord une longue insistance trouvée chez les Pères sur la création ex Nihilo qui tranche avec les discours grecs ou manichéistes de la préxistence de la matière et/ou du mal. Mais ce qui m'a le plus touché c'est probablement cette vision trinitaire de la création (peut-être parce qu'elle entre en résonance avec mes travaux sur la danse trinitaire (2). La création est pour lui une longue histoire dans laquelle les trois personnes divines ont leur rôle et qui a pour finalité la divinisation finale de l'homme en Christ (cf p. 93) dont le Christ en s incarnant trace le chemin et pré-dévoile une partie du plan divin. La citation de St Jean Chrysostome est pour moi la pointe du texte : "Oh homme, ne pose surtout pas de question à notre maître à tous, attends la fin des événements (...) dans la vie future. Le plan de Dieu est organisé en fonction (...) de notre salut et de notre gloire. S'il est fragmenté par le temps, le but lui donne son unité".
‎Suivre la distinction entre image et ressemblance faite notamment par Irénée, Clément d'Alexandrie, Origène, Basile et Maxime (cf. P. 67) c'est contempler notre chemin à accomplir, c'est entrer dans la danse Trinitaire qui nous invite à imiter Christ, passer comme le souligne Bonaventure(4) de la trace à l'image, de l'image à la ressemblance dont Christ en s incarnant dévoile lLa Gloire et la Croix, Styles, a gloire à venir.

(1) Pierre-Marie Hombert, La Création chez les Pères de l'Église‎, Parole et Silence, Collège des Bernardins, 2015
(2) ‎La danse trinitaire, in L'amphore et le fleuve. Voir aussi Où es-tu mon Dieu, kénose et création.
(3) St Jean Chrysostome ‎Sur la Providence IX, 5, cité par Hombert, op Cit p. 62
(4) cf. à ce sujet les éléments notés chez Hans Urs von Balthasar, dans La Gloire et la Croix, Styles, tome 2 (GC2), op. Cit p. 273ss. 


05 décembre 2015

Les trois étapes de l'Oraison

Jean-Jacques Olier nous invite à trois étapes. La première est une contemplation ou une adoration. "Jésus dans les yeux"(1), c'est à dire voir et méditer tous les dons qu'il nous fait à commencer par cette humilité même de Celui "qui enrichit les autres en s'appauvrissant, car Il adopte la pauvreté de ma chair pour que moi je m'enrichisse de sa divinité. Lui qui est plénitude s'anéantit, Il se dépouille de sa propre gloire pour un peu de temps, afin que moi, je participe à sa plénitude. : ‎" (2)

La deuxième étape est une étape de communion ‎: "Jésus dans le coeur". Personnellement je garde toujours ces images des saints représentés par la peinture médiévale, à genoux devant la Croix pour recueillir le précieux sang. Elle nous permet d'ouvrir nos coeurs à cette source immense, ce fleuve du don de Dieu qui se donne et nous embrase, sans compter.
Olier invite lui au silence "pour recevoir l'étendue des dons".

La troisième étape est une coopération à l'oeuvre divine : "Jésus dans mes mains" qui nous fait actualiser ces dons reçus, qui nous transforment en "instruments de Dieu" (3) dans cette dynamique sacramentelle (4) souvent évoquée dans ces pages.

Elle est aussi une manière de rendre Dieu présent dans nos vies, en faire le centre, la source et l'horizon...

(1) Cité par Gilles Chaillot, op Cit p. 20-21
(2) Homélie de Grégoire de Naziance, source AELF 
(3) cf Etty Hillesum. ‎"C'est par l'homme que l'homme doit connaître le chemin du salut" disait aussi Léon XIII en 1889, cité par Dom Chautard, L'âme de tout apostolat, 1915. p.5
(4) voir aussi mon livre éponyme



04 décembre 2015

Vivre en Christ

Faire toutes ses œuvres en esprit d'oraison, ‎dans une interaction régulière avec la sainte trinité avec lequel Olier nous invite à "entrer en la force du Père, en la splendeur du Fils et en l'ardeur du Saint-Esprit" (1) en commençant par nous vider de nous mêmes, dépouillés de ce qui nous encombre, faisant notre l'attitude kénotique par excellence (cf Ph 2, 7), afin d'avoir "notre Seigneur devant les yeux, dans le coeur et dans les mains" (2)


(1) Cité par Gilles Chaillot, op. Cit p. 17-18
(2) p. 19

03 décembre 2015

Devenir porte-Christ

Devenir porte-Christ ! Cette expression des premiers siècles rejoint bien l‎à spiritualité d'Olier. Il affirme en effet que nous devons le laisser agir le Christ en nous. L'Eucharistie n'est donc pas un moment de la vie mais un tout : "Dieu nous a donné son fils pour habiter en nous, non seulement dans le temps où nous communion à son corps et à son sang, mais encore dans tous les moments de la vie" (1)
Dieu habite en nous par la foi, disait Paul en Eph 3, 17.

Immense responsabilité que nous avons à contempler et vivre que cette inhabitation de Dieu en nous. Elle doit nous faire autre, engendrer en nous une metanoia, une conversion telle que Benoît XVI la décrivait : une fission nucléaire du coeur (2) pour effacer ce qui en nous n'est pas temple du Christ.

(1) cité par Gilles Chaillot ibid p. 16
(2) JMJ de Cologne

02 décembre 2015

Anéantissement

Qu'Olier introduise "l'anéantissement de soi" (1) comme une piste spirituelle semble abrupt pour Chaillot, comme probablement pour le lecteur d'aujourd'hui. Deux remarques sont à faire.
1) L'image qui évoque d'ailleurs le mystère de l'Eucharistie  rejoint ce que nous avons noté encore récemment chez Ignace d'Antioche comme ce "tout est rien" souligné chez Thérèse d'Avila et chez Saint Jean de la Croix.

2) le lien avec l'Eucharistie rapproche des théories kenotiques décrites notamment chez Balthasar et David Brown. On est donc au confluent de plusieurs écoles qui ne font que résonner avec la kénose décrite en Philippiens 2. On rejoint aussi l'image récemment citée chez Madeleine Delbrêl à propos du blé broyé, qui rappelle également le coeur brisé du Psaume 50.
Mais ce qui est en jeu est probablement cette venue en nous du Christ, au point qu'Olier nous appelle à devenir des "Jésus-Christ ‎vivants". (2)

‎(1) Gilles Chaillot, ibid p. 14
(2) p. 15

29 novembre 2015

Une vie apostolique et missionnaire

Cette vie intérieure dont parle Olier n'est pas pour autant une vie individualiste, mais bien ancrée dans le Corps total. Elle est articulation entre prière et vie ecclésiale pour que toute la vie s'imprègne de cette vie intérieure et se manifeste dans sa pleine dimension "apostolique et missionnaire". (1)

Les hommes apostoliques étant les chrétiens "porteurs de Jésus Christ".

Ici s'éclaire ce que nous avions noté chez Madeleine mais qui restait difficile à comprendre dans les propos de Bernard Pitaud : il montrait l'opposition entre apostolat et mission sans en préciser les nuances.

La notion de "porteur de Jésus Christ" renvoie pour moi à cette catéchèse des premiers siècles où cette expression de porte-Christ à été utilisée. Que signifie-t-elle vraiment ? Si l'agir n'est pas habité par le Christ, c'est "une symbale qui résonne". Or que veut dire Paul en 1 Cor 13 ?  La charité ne peut venir de nous. C'est un trésor reçu de Dieu.

Nous ne sommes que des porte-manteaux de Dieu. Petite structure fragile enveloppée d'une gloire qui ne vient pas de nous : la Croix présente et douloureuse ‎de celui qui est tout amour.

(1) Gilles Chaillot : Monsieur Olier, Maître spirituel, la vie d'oraison, supplément au n. 220 des Cahiers sur l'oraison, troussures, 1988, réédition, Langeac 2005, p 13


27 novembre 2015

Le primat de la prière

L'Oraison est pour Olier "l'action la plus importante de la vie chrétienne"‎ (1)

Cette phrase à elle seule mérite d'être contemplée, non pas dans une introspection scrupuleuse, mais pour entrer en résonance comme nous venons de le voir chez Madeleine entre l'agis et l'agir‎, la différence se tenant justement dans la place de la prière dans sa vie.

L'enjeu est bien de rejoindre ce que dit Paul aux Galates 2, 20, arriver à ce que le Christ vivent en nous, pour "vivre intérieurement de la vie du Christ et la manifester dans notre corps mortel".

(1) Catéchisme chrétien pour la vie intérieure, cité par Gilles Chaillot : Monsieur Olier, Maître spirituel, la vie d'oraison, supplément au n. 220 des Cahiers sur l'oraison, troussures, 1988, réédition, Langeac 2005, p 7
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(2)Olier, in Gilles Chaillot, ibid p. 12


26 novembre 2015

A la suite de Jean-Jacques Olier - École française du XVIIeme siècle

Après la lecture des deux ouvrages de/sur.  Madeleine Delbrêl commentés plus haut, chemins de lecture vous conduit sur l'école française et la  figure de Jean-Jacques Olier, né en 1608 et qui fut à l'origine de la fondation des Sulpiciens. Nous citerons l'excellent petit ouvrage de Gilles Chaillot : Monsieur Olier, Maître spirituel, la vie d'oraison, supplément au n. 220 des Cahiers sur l'oraison, troussures, 1988, réédition, Langeac 2005

Utilité de la souffrance

A propos de la souffrance, sujet constant de réflexion sur ce blog depuis mon mémoire de licence, je ne peux ignorer ce petit texte de Madeleine, tiré d'une lettre à une amie polonaise. Il fait pour moi résonner encore cette Lettre au Romains d'Ignace d'Antioche déjà évoqué plus haut sur le froment du Christ. Face à la souffrance, dit Madeleine, "il ne nous est pas demandé à ce moment là d'être fort. On ne demande pas au blé d'être fort quand ‎on le broie mais de laisser le moulin en faire de la farine (...) Il est rare à ces moments là que nous comprenions en quoi que ce soit l'utilité de la souffrance. Elle ne nous apparaît que comme une monstrueuse contradiction... Nous ne reconnaissons pas la Croix en elle. C'est après seulement qu'il nous arrive de comprendre que par cette souffrance, nous sommes devenus ce que nous sommes" (1)

Qu'est à dire, si ce n'est le même mouvement de décentrement auquel aboutit Job : "j’ai parlé, sans les comprendre, de merveilles hors de ma portée, dont je ne savais rien" (2) ?


(1) Madeleine Delbrel, lettre à Joanna Muni, 5/11/62 in Gilles François / Bernard Pitaud op. Cit P. 288
(2) Job 42, 3

25 novembre 2015

L'apostolat de la bonté - Charles de Foucauld

Je tombe sur un article à lire dans La Croix du 13 novembre sur la figure du Père Charles de Foucauld qui vient en écho avec les propos tenus sur ce blog à propos de la "pastorale du seuil". 
Quelques phrases du bienheureux Charles comme ce "crier l'évangile par sa vie" donne à penser. Il est "prophète des déserts d'aujourd'hui".
A lire...

Voir aussi :
- Le chemin du désert
- Pastorale du seuil

24 novembre 2015

Pain brisé

A propos de mon étude en cours sur les chemins de l'humilité, ce petit extrait (1) de Madeleine est à ranger à côté de cette belle phrase de saint Ignace d'Antioche(2) qui voulait être la farine du Christ. Je vous laisse contempler ce qu'elle écrivait le 18/11/53 à un prêtre ouvrier, en plein milieu de la crise de leur dissolution. 
"Ce sont toujours les mêmes contractions qui ont toujours broyé les saints (...) appauvri et rapetissé à travers les secousses cruelles et sanglantes mais organiques de l'obéissance, le Christ-Église à continué de naître dans le monde".

On y retrouve cette expression de Christ-Église, déjà croisée dans Nous autres gens des rues et qui souligne‎ l'indissoluble unité à laquelle Madeleine restera attachée jusqu'au bout.

On y retrouve le drame de ces renoncements si caractéristiques de la période pré-conciliaire (voir des accents identiques dans le journal de Yves Congar de la même époque). Ces souffrances de l'obéissance sont les germes qui ont permis, à leur manière, le Concile. Il trace le chemin de l'Esprit au sein de l'Église.

(1) cité par Gilles François / Bernard Pitaud, ibid p. 235
(2) Lettre au Romains

23 novembre 2015

Alliance ou salut

Dans la foulée de ses propos sur apostolat et mission, Bern‎ard Pitaud poursuit sur la distinction de Madeleine entre alliance et salut. L'alliance (qui n'est pas à prendre au sens biblique) c'est finalement ne pas se contenter de côtoyer l'incroyant. Le salut, c'est lui ouvrir la porte de la miséricorde et l'accès au divin, qu'il rejette au non d'un "isme" quelconque (qu'il soit marxisme, laïscisme, rationalisme ou autre). 

(1) ibid p. 231

22 novembre 2015

Mission ou apostolat ?

Bernard Pitaud (1) insiste plus que ne l'avait fait Jacques Loew (2) sur la distinction chez Madeleine entre apostolat et mission. A son retour de Rome, il semblerait que Madeleine ait cherché à comprendre pourquoi Pie XII lui avait répété 3 fois ce terme d'apostolat qu'elle semble interpréter comme une urgence à annoncer "la gloire de Dieu"(1)
On pourrait gloser sur cette différence et sur le risque que la mission peut être donnée par soi et non donnée de Dieu. A la suite des propos de Ratzinger (3) sur l'importance du lien apostolique on pourrait aussi souligner que l'apostolat est affaire de prêtre. Mais l'apostolat des laïcs en ligne avec la "théologie du Laïcat" chez Congar n'est pas à prendre à la légère. Se faire témoin de la gloire de Dieu n'est pas annoncer naïvement son existence alors que la mort de Dieu est proclamée. C'est peut-être retrouver le chemin d'une théologie de la Croix où cette dernière est la plus manifeste. C'est aussi le culot de ne pas nier son existence, sans l'imposer, mais en le laissant habiter et transpirer en nous.

(1) Gilles François / Bernard Pitaud, Madeleine Delbrêl Poète, assistante sociale et mystique, Paris, Nouvelle Cité, 2015, p. 228
(2) in Nous autres gens des rues 
(3) Les principes de la théologie catholique

21 novembre 2015

Femmes

J'ai envoyé cette citation à une amie qui insiste beaucoup sur la place des femmes dans l'Eglise.
"L'église a toujours besoin qu'on prenne la veille... et depuis le Soir du Jeudi Saint, il vaux mieux ne pas laisser les hommes seuls" (1)
J'aime sa réponse : "Il ne faut pas non plus laisser les femmes seules".

"Homme et femme il les créa", suggère un texte bien connu. (cf. Gn 2)

(1) Madeleine Delbrel, la femme, le prêtre et Dieu, p. 113

20 novembre 2015

Archaïsmes religieux ? - Luc 19, 27 - René Girard 2

Existe-t-il dans le nouveau Testament des traces de l'archaïsme religieux, que l'on trouve plus présent dans l'ancien et qu'il nous faudrait corriger ?  
La phrase sévère de Luc 19, 27, lue mercredi pourrait probablement être classée dedans : "Quant à mes ennemis,ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les devant moi" (1).
Ce texte qui suit la parabole des dix mines est propre à Luc, même si on lui met en parallèle celle des talents en Mat 25. Pourtant, on trouve chez Luc des traces de violence qui contrastent avec les chemins de miséricorde propre au même auteur (Luc 15).
Matthieu envoie celui qui ne fait pas fructifier son talent aux ténèbres, ce qui n'est pas mieux, mais moins violent. L'égorgement ‎propre à Luc serait-il un hapax, c'est à dire un terme unique dans le NT ? Et le terme serait-il de Jésus ou propre à Luc. On peut espérer que la deuxième réponse soit la bonne, tant elle a dans les jours actuels des résonances avec d'autres archaïsme tout aussi violent. En prenant de la distance avec toutes les violences, à l'école de René Girard, on met en lumière ces faiblesses d'une transmission orale et de l'importance d'une exégèse construite.

Pastoralement, ces phrases mériteraient d'être expliquées, plutôt qu'ignorées en oubliant l'impact qu'elles ont sur les âmes sensibles.
En toutes hypothèses, il faut entendre en contrepoint la phrase qui elle vient de l'AT : "Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive". Ezéchiel 18,23

(1) traduction liturgique, source AELF

Ajout du 23/11 qui me semble bien compléter le post ci-dessus :

"Dans une parabole, Jésus se cache souvent et il n'est pas toujours là où on le pense. (...) Dieu n'est pas d'abord celui à qui nous rendons des comptes mais celui que nous avons en dépôt et dont nous avons la charge. Dieu ne nous confie pas son argent, c'est lui même qui se donne à nous" (2).

'2) Patrick Lauder, diacre, la Croix du 17/11/15

Au fond de notre coeur

A la suite de Charles de Foucauld, mais tels des porte-Christ ordinaires, il nous reste à établir nos âmes "comme autant de creux de silence où la Parole de Dieu peut se reposer et retentir" (1)

(1) Madeleine Delbrel, ibid p. 191


19 novembre 2015

Racines d'humilité

Pour suivre ce que Madeleine suggère sur la différence entre les oeuvres et l'inhabitation par Dieu, il nous faut contempler ce qu'elle dit dans "S'unir au Christ en plein monde" (1)‎ :

"Dans n'importe quelle sainteté il faut une racine d'humilité qui nous mette le nez en terre et nous rende capable de prier. Dans l'autre sens, la ligne pique en plein ciel : c'est la prière. Tous les saints inventés par Dieu n'ont pu être saints qu'en étant humbles".

Pourquoi cette voie ? Probablement parce que nos oeuvres seules risquent de nous laisser croire qu'elles sont de notre fait, alors qu'elle n'ont de sens que si elles viennent et sont portées par et en Dieu. C'est dans notre vie intérieure que s'opère le décentrement le plus radical et dès que nous prenons de la distance avec elle rejaillit la tentation du valoir.

"Tu es celle qui n'est pas", poursuit-elle, rejoignant, selon Bernard Pitaud le néant de saint Jean de la Croix (2). Nous en parlions longuement dans notre analyse "chemin du désert" à propos du "tout est rien" de Thérèse d'Avila‎. Seule cette manière de contempler nos actes nous rapprochent véritablement de Dieu. Le reste est orgueil et vanité.

(1) op Cit p. 133, cité par Gilles François / Bernard Pitaud, Madeleine Delbrêl, Poète, assistante sociale et mystique, op Cit p. 185
(2) Pitaud, op Cit p. 186

18 novembre 2015

Irénée de Lyon - Le primat de la charité

L-a-t-on assez affirmé ? J'entendais récemment qu'une des grandes spécialités françaises étaient l'art de la parole et non des actes. Un reproche qui pourrait être collectif.  "Il est meilleur et plus utile pour nous d'être peu cultivés et peu savants et, en revanche, de nous approcher de Dieu par l'amour, que de nous croire profondément savants et expérimentés et en même temps pécher contre notre Seigneur. Voilà pourquoi Paul s'est écrié : la gnose enfle, mais la charité édifié". (1)

Cette citation de Balthasar illustre le brillant résumé de l'oeuvre de saint Irénée. Le theologien démontre que toute l'hérésie gnostique est dépassée par un seul fait : l'amour du crucifié. C'est l'incarnation du Christ qui rend toutes les théories vaines, car son amour n'est pas théorique il a pris chair et s'est fait serviteur... 

(1) Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, 1, 345, cité par Hans Urs von Balthasar, GC2, op. Cit. p. 40

17 novembre 2015

Activisme et agir - 2

Une des illustrations des propos rapportés plus haut sur ce thème est dans la réflexion posée par Madeleine dans "missionnaires sans bateau" en 1943 : "On ne peut être missionnaire sans avoir fait en soi cet accueil franc, large, cordial, à la parole de Dieu , à l'Evangile" (...), pour qu'elle se "fasse chair en nous. Et quand nous serons ainsi habités par elle, nous devenons aptes à être missionnaires" (1)

On est là au coeur de l'inhabitation‎ véritable et nécessaire qui transforme l'homme en instruments de Dieu. Un chemin d'humilité ( kénotique).


(1) Madeleine Delbrêl, Oeuvres complètes, La Sainteté des gens ordinaires, tome 7, Paris Nouvelle Cité, 2009,  p. 89

16 novembre 2015

Laudato Si, 117 - Résonance

Ma dernière petite nouvelle, "La caresse de l'ange" n'est autre, en fait, qu'un essai d'illustration de cette parole du Pape François que je retrouve en relisant sa dernière encyclique : "Quand on ne reconnaît pas la valeur d'une personne vivant une situation de handicap on écoutera difficilement les cris de la nature elle même". (1)

LS, 117, source : Pape François Laudato Si, Edition du Céras, 2015


Relire Réné Girard

Face à la barbarie, l'apport du philosophe est essentiel...

15 novembre 2015

Activisme et agir

Je découvre sous la plume de B. Pitaud cette distinction entre "agis et actifs". Il nous faut, dit-il " nous laisser agir par le Christ. Ou encore : il faut le laisser ‎agir en nous. Il y a au coeur de l'action du chrétien une passivité fondamentale, un abandon nécessaire au dynamisme de l'Esprit". Ce qu'il décrit à propos de Madeleine Delbrêl est pour lui au coeur de l'école française, inspiré par l'ouvrage d'Henri Brémond. Cette tradition sulpicienne rejoint ce que je travaille en ce moment sur le titre déjà esquissé ici de "Chemins d'humilité".
C'est rappelle-t-il aussi une vision très paulinienne et j'ajouterai très kénotique : "ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" Gal. 2. 20

Gilles François / Bernard Pitaud, Madeleine Delbrêl, Poète, assistante sociale et mystique, op Cit p. 141

14 novembre 2015

Aller à la périphérie

Amusante description(1) de l'accompagnement de la mort de Monsieur L. par Madeleine Delbrêl dans sa première expérience de la périphérie(2). Elle lui met des lumignons en croix sur le corps jusqu'à ce qu'arrivent les pompes funèbres qui précisent que cela n'est pas l'habitude de la famille. Il faut alors tout réorganiser pour que l'arrivée des amis communistes s'y retrouvent et qu'une unité soit possible autour du défunt. 
N'est-ce pas le risque de nos projections sur l'autre. Marcher dans la "boue" (3)  à d'autres enjeux. Il s'agit de rejoindre sans perdre son âme mais dans le respect de l'autre.

(1) Gilles François / Bernad Pitaud, Madeleine Delbrêl, Poète, assistante sociale et mystique, op Cit p. 106.
(2) Evangelii Gaudium § 20, 30 et 46
(2) Evangelii Gaudium § 45 

12 novembre 2015

Charité active et signifiante

Dans ses notes sur son installation à Évry en 1933, une petite phrase de Madeleine Delbrêl donne à penser. "Se confondre avec l'Eucharistie de la paroisse (...) et lui servir de signe"(1). ‎Il y a là ce que j'appelle une dynamique sacramentelle (2).

Comme le note les pères François et Pitaud, cela résume bien la pastorale de Madeleine où l'Eucharistie n'est pas cantonnée à une liturgie isolée mais où l'on se fait porte-Christ dans une charité active et signifiante.

(1) Gilles François / Bernstein Pitaud, Madeleine Delbrêl op. Cit p. 105
(2) cf. ma recherche éponyme, Createspace 2015

Théologie du corps - Réflexions et critiques

Quand on prend le temps d'étudier avec soin l'oeuvre de Jean-Paul II (catéchèse du mercredi de 1979 à 1984),  on distingue des nuances qui manquent dans l'exposé entendu hier par l'un des grands "apôtres" de la théologie du corps.  Là où le pape suggérait avec tact que le corps pouvait être liturgie,  notre intervenant en fait un "isme". Au lieu d'affirmer que l'homme est plus grand que l'ange on aimerait l'entendre dire que la rencontre intime des corps est le lieu de l'apprentissage de la tendresse,  lieu de dialogue et de respect,  lieu d'humilité et de tendresse,  lieu de  réciprocité et de danse. Or ces mots sont à peine suggérés voir absents du discours. 
Si l'intervenant insiste heureusement pour souligner que toute sexualité est blessée,  il manque une certaine humilité dans l'utilisation du mot théologie.  Peut-on dire qu'il y a une théologie du corps ? Benoît XVI dans caritas in veritate me semble plus mesuré et cohérent.
Ce que Jean-Paul II essayait de convertir devient une sorte d'anthropocentrisme excessif.
Cela me fait penser à un moniteur d'une méthode de régulation des naissances qui m'expliquait, non sans culot, que quand le feu était vert, sa femme n'avait qu'à ouvrir les portes du garage.  Je préfère encore relire le numéro 21 d'Humanae Vitae. on y trouve une exhortation plus délicate.
Suis-je juge et partie ? Peut-être.  Ce que je développe non sans mal dans "Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale", me semble plus nuancé.  Mais je suis prêt à en discuter. Je regrette que le dialogue ne puisse se faire sur ce thème.

11 novembre 2015

Humilité de l'Église - 7

Retour au source.  Pour comprendre l'impossible chemin pris par notre pape pour travailler à une plus grande humilité de l'Église,  on peut relire et contempler la voie prise par son saint patron : "François, petit pauvre et père des pauvres, voulait vivre en tout comme un pauvre ; il souffrait de rencontrer plus pauvre que lui, non pas par vanité mais à cause de la tendre compassion qu'il leur portait. Il ne voulait qu'une tunique de tissu rêche et très commun ; encore lui arrivait-il bien souvent de la partager avec un malheureux. (...) François, petit pauvre et père des pauvres, voulait vivre en tout comme un pauvre ; il souffrait de rencontrer plus pauvre que lui, non pas par vanité mais à cause de la tendre compassion qu'il leur portait. Il ne voulait qu'une tunique de tissu rêche et très commun ; encore lui arrivait-il bien souvent de la partager avec un malheureux."

Thomas de Celano, « Vita prima » de Saint François, §76 (trad. Desbonnets et Vorreux, Documents, p. 257) 

10 novembre 2015

Difficile chasteté - 3

En écoutant Xavier Lacroix  (1) chercher ses mots pour décrire un chemin de miséricorde pour les divorcés remariés,  j'ai pensé à cette abstinence conseillée par l'Église : vivre comme frères et soeurs.  Impossible chemin  humain pour ceux qui cherchent à reconstruire une voie conjugale après la souffrance d'une séparation.  Et pourtant l'appel donné par cette direction ouvre probablement une "tension" à trouver entre les deux extrêmes, celui du tout permis et celui de l'abstinence. C'est une chasteté nouvelle, celle où l'autre n'est plus consommé mais respecté comme personne. Il y avait déjà d'ailleurs dans Humanae Vitae au § 21ss, quelques belles phrases dans ce sens, qui ont été souvent ignorées alors qu'on se concentrait sur l'interdiction.  Elles parlaient déjà "d'une maîtrise de soi" qui (...), en s'enrichissant de valeurs spirituelles (...) apporte à la vie familiale des fruits de sérénité et de paix, (...) facilite la solution d'autres problèmes; elle favorise l'attention à l'autre conjoint, aide les époux à bannir l'égoïsme, ennemi du véritable amour, et approfondit leur sens de responsabilité." Le chemin difficile n'est-il pas  de trouver la juste distance,  l'art d'une relation chaste, un chemin vers l'amour agapè. Tout un programme...

(1) conférence au congrès national des Cpm de novembre 2015