25 février 2017

Silence de Martin Scorcese -2

Après avoir lu plusieurs articles sur le sujet, dont celui de Gael Giraud  dans la Croix et celui déjà cité,  j'ai pris le temps d'aller voir le film. Quelques remarques :
- une analyse fine de la question de la miséricorde pour les faibles,
-  un questionnement intérieur sur la foi dans l'adversité qui nous interpelle,
- une contemplation de la foi populaire qui n'est pas sans écho avec les interpellations de notre pape
- un film qui pose question
Je le conseille

24 février 2017

Le côté ouvert

Superbe commentaire de moine syrien du Veme siècle que je découvre dans mon "évangile au quotidien" et que je vous partage sans fard :"D'une certaine manière, Adam a été créé à la fois simple et double ; Ève se trouvait cachée en lui. Avant même qu'ils n'existent, l'humanité était destinée au mariage, qui les ramènerait, homme et femme, à un seul corps, comme au commencement. Aucune querelle, aucune discorde, ne devait s'élever entre eux. Ils auraient une même pensée, une seule volonté... Le Seigneur a formé Adam de poussière et d'eau ; Ève, il l'a tirée de la chair, des os et du sang d'Adam (Gn 2,21). Le profond sommeil du premier homme anticipait les mystères de la crucifixion. L'ouverture du côté, c'était le coup de lance porté au Fils Unique ; le sommeil, la mort sur la croix ; le sang et l'eau, la fécondité du baptême (Jn 19,34)... Mais l'eau et le sang qui ont coulé du côté du Sauveur sont à l'origine du monde de l'Esprit... Adam n'a pas souffert du prélèvement fait dans sa chair ; ce qui lui avait été dérobé lui a été rendu, transfiguré par la beauté. Le souffle des vents, le murmure des arbres, le chant des oiseaux appelaient les fiancés : « Levez-vous, vous avez assez dormi ! La fête nuptiale vous attend ! »... Adam vit Ève à ses côtés, celle qui était sa chair et ses os, sa fille, sa sœur, son épouse. Ils se sont levés, enveloppés d'un vêtement de lumière, dans le jour qui leur souriait. Ils étaient au Paradis" (1)

(1) Saint Jacques de Saroug, Hexaméron ; Homélie pour le sixième jour (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, Médiaspaul 1988, vol.1, p.27) 

23 février 2017

La dynamique de l'éternité

Intéressant article dans la Croix d'aujourd'hui sur une théologie de la fin de vie par Alexandre Ganoczy. Je retient surtout ce passage où il "envisage plutôt l'éternité comme un processus dynamique, à la suite du théologien luthérien Wolfhart Pannenberg qui écrivait : « L'éternité consiste dans la réalisation de possibilités toujours nouvelles. »(1)

C'est probablement en écho avec mon travail de recherche sur la "dynamique sacramentelle" que je trouve cette citation interpellante. Car il y a la pour moi une notion de continuité à travailler.

(1) Vivre sa mort en chrétien, Lessius, cité par David Roure, La Croix du 23/2/2017

22 février 2017

Silence de Scorcese - une théologie de la faiblesse

Je poursuis ma lecture de la revue Etudes de février et ne peux que recommander l'article de Franck Damour sur "Endô où la quête d'un Christ japonais"(1). On y découvre une facette qui rejoint mes thèmes favoris : la portée pastorale de la kénose, de l'humilité et de la miséricorde, des influences qui vont jusqu'à Moltmann et son Dieu crucifié mais aussi l'idée d'un Christ-mère, du côté des souffrants, des apostats et du reniement qui met Judas et Pierre dans la même dimension, celle d'un Dieu de miséricorde. A lire.

Etudes, n. 4235 p. 77ss

Le christianisme n'est pas une religion

Thèse intéressante d'Eduardo Lourenço, reprise dans Etudes de février 2017 qui donne à penser : Le christianisme n'est pas une religion, réponse subtile et sublime aux questions de la violence et du mal, mais "une pure ouverture, abandon absolu à une volonté, à un appel (...) révélation d'un Dieu en manque et de la sublimation de ce manque". Cette faiblesse, critiquée par Nietzsche, "n'a pas cédé devant la tyrannie humaine, elle a payé le prix de cette fuite sans craindre la souffrance, mais en la transfigurant en instrument de redemption" (1)

Telle est l'exigence spécifique du christianisme, "critique radicale du pouvoir (...) d'un Dieu pouvoir" (1)

Je retrouve la des idées défendues dans "Dieu de faiblesse" et plus récemment dans "Dieu n'est pas violent".

(1) Etudes, n. 4235, p. 56

21 février 2017

Quand l'Incréé fait l'imparfait

Un petit bémol et non des moindres à ma vision utopique de l'humain. Dire que Dieu se met "à genoux devant l'homme" n'implique pas que l'homme est parfait, mais qu'il en est capable avec l'aide de la grâce.

Saint Irénée, donné aujourd'hui en commentaire de l’Évangile  me conduit à cette nuance : "Dieu n'aurait-il pas pu faire l'homme parfait dès le commencement ? Pour Dieu, qui est depuis toujours identique à Lui-même et qui est incréé, tout est possible. Mais les êtres créés, parce que leur existence a commencé après la sienne, sont nécessairement inférieurs à Celui qui les a faits... Créés, ils ne sont donc pas parfaits ; venant d'être mis au monde, ils sont de petits enfants, et comme des petits enfants, ils ne sont ni accoutumés ni exercés à la conduite parfaite... Dieu donc pouvait donner dès le commencement la perfection à l'homme ; mais l'homme était incapable de la recevoir, car il n'était qu'un petit enfant." (1) Il lui faut donc quelque chose de plus et ce plus est la grâce qui se révèle en Jésus Christ.
"Le Verbe de Dieu, alors qu'il était parfait, s'est fait petit enfant avec l'homme, non pour lui-même, mais à cause de l'état d'enfance où était l'homme." (2) Et cette abaissement (kénose) est chemin de Dieu pour notre humanisation.


(1) Irénée de Lyon, Contre les hérésies, IV 38, 1-2
(2) ibid.

16 février 2017

Le chemin de la grâce - Concile de Trente

Beau résumé du décret sur la justification du concile de Trente par John W. 0'Malley : "Le commencement, le milieu et la fin de tout mouvement vers la grâce est aussi un effet de la grâce qui accompagne le mouvement, le fait progresser et accompagne et le mène à son accomplissement" (1)
On pense en écho au "tout est grâce" de Bernanos, mais aussi à ce que je tente de décrire maladroitement dans "La dynamique sacramentelle" en contemplant le chemin de Dieu en l'homme, au delà et en dépit de ses adhérences.

O'Malley précise : "si la foi était au commencement de la justification, ce n'est pas par la foi seule que celle-ci s'accomplissait, mais par la foi conjointe à l'espérance et à la charité, ce qui rendait efficace en vue du salut la coopération à la grâce" (2)

(1) op. Cit p. 142
(2) p. 144

15 février 2017

Le double aveuglement

Pourquoi faut-il deux temps à Jésus pour guerir l'aveugle en Marc 8, 22-26 ? Ne faut-il pas regarder d'abord notre coeur avant de répondre à cette question ? 

"Tel un miroir brillant, l'homme doit avoir une âme pure. Une fois la rouille au miroir, l'homme ne peut plus y voir le reflet de son visage." nous dit Saint Théophile d'Antioche. Notre coeur est embrumé par nos adhérences au mal. "De même", pousuit-il, "tant qu'il y a le péché dans l'homme, il n'est pas possible à cet homme de voir Dieu... Mais si tu veux, tu peux guérir. Confie-toi au médecin, il ouvrira les yeux de ton âme et de ton cœur. Qui est le médecin ? C'est Dieu qui guérit et vivifie par le Verbe et la Sagesse. C'est par sa Parole, son Verbe, et sa Sagesse que Dieu a fait l'univers : « Par sa Parole les cieux ont été faits, et par son souffle, son Esprit, toute leur puissance » (Ps 32,6). Sa Sagesse est toute-puissante : « Dieu par la Sagesse a fondé la terre, il a établi les cieux avec intelligence » (Pr 3,19)... Si tu sais cela, homme, et si tu mènes une vie pure, sainte et juste, tu peux voir Dieu. Qu'avant tout la foi et la crainte de Dieu prennent place en ton cœur, et tu comprendras cela. Quand tu auras déposé la condition mortelle et revêtu une nature impérissable, alors tu seras digne de voir Dieu. Car Dieu aura ressuscité ta chair devenue immortelle avec ton âme. Et alors, devenu immortel, tu verras l'Immortel, si maintenant tu lui donnes ta foi." (1).

Alors pourrons nous comme Moïse (cf. Ex 34) contempler Son Visage,  car notre coeur,  purifié du voile de nos addictions pourra voir le reflet de sa gloire. 

(1) Saint Théophile d'Antioche, Premier discours à Autolycus, 2, 7 ; PG 6, 1026s (trad. Orval rev.)

13 février 2017

Entre dans ta chambre

Intéressante mise en perspective de François Cassingena-Trévédy entre Mat 6 et Isaïe 26. "Entre dans ta chambre" est à voir comme une invitation à laisser entrer la circumincession divine, un Passage, "non plus une théophanie écrasant l'homme" (1), mais la douceur particulière de Jésus : "s'il passe sur moi, je ne Le vois pas et il glisse imperceptible" (Job 9. 11), "bruit d'un fin silence" dira Emmanuel Lévinas.


(1) François Cassingena-Trévédy, Pour toi quand tu pries, Vie monastique, n. 37, abbaye de Bellefontaine. P. 43

10 février 2017

Tradition ou traditions

Après un long développement sur la question des bibles en langues vernaculaires je note une intéressante distinction soulevée par O'Malley(1) au sujet de Trente entre la perception des traditions issues des premiers chrétiens et ce que l'on appèlerait à tort "La Tradition", un ensemble figé, une source sclérosée que l'on ne pourrait continuer à interpréter sous peine d'hérésie. Trente prone le pluriel... et ce pluriel des "traditions apostoliques" laissent à l'Esprit un champ de multiplication tout en donnant à penser.

Il n'est pas étonnant que dans la foulée il rejette le terme "sources" pour défendre celui de "canaux de communication"(2), car un canal n'arrête pas de déverser le dire de Dieu sans se figer dans le dit... pour reprendre la distinction que j'apprécie chez Lévinas(3)

(1) John W. O'Malley, Le concile de Trente, ce qui s'est vraiment passé, op. Cit. p. 124
(2) ibid. p. 123
(3) sans mentionner la sourate de la Caverne...

08 février 2017

Les mistrals gagnants - Anne-Dauphine Juilland

Un petit coin de ciel bleu dans l'univers médiatique que ce film tout en finesse qui nous emporte dans l'univers enchanté et en même temps grave voire douloureux de ces cinq enfants atteints de pathologies insupportables. On en sort plein d'espérance.  La vie est belle,  la vie est danse, et l'amour est plus fort que la mort.
Ces enfants ont en eux une vérité toute simple.
Dans la lignée de mes commentaires déjà postée sur les deux livres d'Anne-Dauphine Julliand, je vous invite à ce détour.
A voir, sans modération. En ce moment dans quelques salles parisiennes.

05 février 2017

Celui que Jésus aimait

Pourquoi Jean n'est-il pas nommé ?
Une place à prendre ? demande Claude Flipo (1). Ce n'est pas pour s'ajouter à la figure de l'évangile, explique-t-il, mais parce que le livre reste ouvert. "il faut continuer d'écrire, avec l'Esprit du Dieu vivant et sur des coeurs de chair, toutes ces choses que Jésus a faites..."

(1) p. 247

04 février 2017

Marie Madeleine et Gn2

Belle image que celle de Claude Flipo qui voit la rencontre de Jésus avec Marie Madeleine comme celle du premier jour du Paradis(1). Alors qu'en Gn 3 c'est Dieu qui cherche l'humain dans un "où es-tu ?" resté sans vrai réponse, c'est cette fois la femme qui cherche son Dieu. Plus qu'une allusion au Cantique des Cantiques, il y a là comme une conclusion et un chemin de contemplation. "Maintenant Seigneur tu peux laisser ton serviteur s'en aller en Paix, car mais yeux ont vu le salut..."

(1) cf. Op. Cit. p. 234

03 février 2017

La grâce à bon marché - Dietrich Bonhoeffer

Je dois être un grand naïf avec ma conception miséricordieuse d'un Dieu à genoux devant l'homme. Naïveté de croire que l'homme peut se laisser toucher par l'infinie bonté de Dieu, que la bouchée donnée à Judas va le faire changer d'avis...
Dietrich Bonhoeffer nous interpelle contre cette grâce à bon marché dans des termes qui m'interpellent : "la grâce à bon marché, c'est la grâce comme marchandise à brader, le pardon au rabais" (1). Claude Flipo renchérit "la grâce à bon marché, c'est la grâce sans l'obéissance, c'est la grâce sans la croix(2)". Bonhoeffer précise "la grâce coûte cher d'abord parce qu'elle a coûté cher à Dieu, parce que Dieu n'a pas trouvé que son Fils fut trop cher pour notre vie, mais qu'il l'a donné pour nous(3)".

À contempler peut-être pas comme une opposition mais comme une tension entre Croix et miséricorde, don et réception, morale et pastorale, Baptiste et le joueur de flûte ?

(1) Dietrich Bonhoeffer, Le prix de la grâce, Paris, Delachaux et Niestlé, 1962, cité par Flipo, ibid.
(2) Claude Flipo, ibid p. 211
(3) Dietrich Bonhoeffer, ibid.

02 février 2017

Le mal chez Hannah Arendt

La phrase citée dans La Croix du 1/2/17 ne cesse de faire écho en moi. " Le mal est un phénomène de surface. Nous résistons au mal en refusant de nous laisser submerger par la surface des choses. En nous arrêtant et en réfléchissant, c'est-à-dire en dépassant l'horizon du quotidien. Plus une personne est superficielle, plus elle est susceptible de céder au mal. C'est la banalité du mal."
Après le film et le reportage diffusé sur Arte sur Hannah Arendt le même jour (à voir en replay), on ne peut que s'interroger sur toutes ces petites superficialités qui nous empêchent d'aller au dela, de retrouver notre conscience intérieure perdue. À méditer.