11 novembre 2016

Science et sagesse chez Bonaventure

Il y a une distinction intéressante chez Bonaventure entre science et sagesse. Elle passe par la sainteté c'est à dire par la rencontre transformante avec le divin. "C'est la sainteté qui permet de s'approprier vraiment la sagesse" (1). Or la sainteté ne se trouve pas dans les livres mais dans cette lente manducation de la Parole qui ravive la foi et nous conduit à l'agir. Le chemin est rude...
Par cette affirmation Bonaventure prend de la distance avec le thomisme grandissant et renvoie "à l'étude approfondie de l'Écriture (...) mais il ne faut pas verser dans le vin de l'Écriture tant d'eau de philosophie que le vin devienne de l'eau, ce serait un bien triste miracle"(2)...
Ce qui compte chez l'homme c'est l'événement intérieur, la venue du Christ dans l'esprit, "se laisser porter par la lumière surnaturelle de la foi, autrement dit par l'inspiration divine qui ne peut se tromper"(3)

(1) Hex. 2, 3, cité par Hans Urs von Balthasar, in GC2 p. 251.
(2) ibid. p. 252.
(3) p. 254

10 novembre 2016

Union spirituelle avec le Syrien de Mossoul

À la suite de mes propos sur François d'Assise et en union de prière avec les chrétiens de Mossoul, contemplons la méditation du jour donnée par Isaac le Syrien :

" Dieu et ses anges désirent l'homme qui cherche Dieu dans son cœur jour et nuit avec ferveur, et qui repousse loin de lui les agressions de l'ennemi. Le pays spirituel de cet homme pur en son âme est au-dedans de lui : le soleil qui brille en lui est la lumière de la Sainte Trinité ; l'air que respirent les pensées qui l'habitent est le Saint Esprit consolateur. Et les saints anges demeurent avec lui. Leur vie, leur joie, leur réjouissance sont le Christ, lumière de la lumière du Père. Un tel homme se réjouit à toute heure de la contemplation de son âme, et il s'émerveille de la beauté qu'il y voit, cent fois plus lumineuse que la splendeur du soleil.       
C'est Jérusalem. Et c'est « le Royaume de Dieu caché au-dedans de nous », selon la parole du Seigneur. Ce pays est la nuée de la gloire de Dieu, où seuls entrerons les cœurs purs pour contempler la face de leur Maître (Mt 5,8), et leur entendement sera illuminé par les rayons de sa lumière." (1)

(1) Isaac le Syrien (7e siècle), moine près de Mossoul
Discours ascétiques, 1ère série (trad. DDB 1981 rev.)

09 novembre 2016

Les 4 fleuves du Paradis - saint Bonaventure

Revenons sur cette image du fleuve chez Bonaventure qui m'a inspiré le titre de l'amphore et le fleuve (1). Pour le franciscain, les quatre fleuves du Paradis résonnent comme l'éternel mouvement de Dieu vers l'homme, ce que j'appelle la danse trinitaire :"Le premier, c'est l'éternel épanchement trinitaire de Dieu lui-même ; le second, c'est la création vaste et profonde comme la mer, dans l'abîme de laquelle habite le dragon ; le troisième, c'est l'incarnation de Dieu qui, dans le Christ sort de lui et y retourne ; (...) le quatrième, ce sont les Sacrements, ce "torrent d'eau vive, claire comme le cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l'Agneau".(2)

Ils résonnent aussi pour Bonaventure avec les 4 mystères cachés : l'essence divine, la sagesse, la puissance et la miséricorde(3).

(1) cf. le livre éponyme dont le titre est une libre adaptation d'un texte parlant de la Seine et d'une cruche, cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 244
(2) ibid. p. 241
(3) p. 244

Une expression de l'amour du crucifié - stigmates de saint François

Dans la suite de ma recherche sur la dynamique sacramentelle je note cette contemplation par Bonaventure des stigmates de saint François comme "expression de l'amour du crucifié" qui, plus que l'extase fugitive va jusqu'à imprimer dans la chair du saint les traces de la Croix. "En voyant le Séraphin, François comprit qu'il devait par une ardeur spirituelle être entièrement changé en une image expressive (expressam similtudinem) du Crucifié (...) et sa chair marquée d'une ressemblance avec le Crucifié" (1)
N'est on pas là au point ultime de cette dynamique sacramentelle déjà évoquée, qui voit chez un homme un tel désir de ressembler au Christ sauveur que celui-ci lui permet de communier à son sacrifice,  d'être signe en sa chair du sacrifice ultime et unique de l'homme-Dieu pour l'humanité ?
Il ne s'agit plus ici d'une simple extase,  mais d'une union retrouvée entre l'homme et son Dieu.


(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 247

08 novembre 2016

Anselme et Bonaventure - Convergences

Une phrase de Bonaventure reprise dans le tome 2 de la Gloire et la Croix d'Hans Urs von Balthasar me fait entrer en contemplation : "la créature rendue bienheureuse par Dieu, elle qui ne saisit pas son bonheur, mais est saisie par lui" (1)
Le verbe saisir renvoie à Philippiens 3, mais nous retrouvons aussi cette distinction déjà notée chez Anselme entre un Dieu qui ne fait pas que venir en nous, mais nous tire toujours plus loin. Le bonheur ne peut être intérieur longtemps. S'il n'est pas communion sponsale ou surtout ecclésiale il est une cymbale qui résonne dans le vide (1 Cor 13). Le bonheur se conjugue avec le sens symphonique du "une seule chair" de Gn 2, 24 (2)

(1) Bonaventure citant Anselme in Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 239
(2) cf. Lire l'Ancien Testament, tome 1, Genèse et Exode.

04 novembre 2016

Le gérant malhonnête - Luc 16


Paul nous le souligne dans la première lecture : "Ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ". ( Ph. 3). On pourrait y voir un élitisme.  Ne s'agit il pas plutôt d'une exhortation,  car en nous réside bien les deux extrêmes,  cette adhérence au monde et l'appel divin ?

Cette interprétation prépare une clé de lecture de ce texte difficile du gérant malhonnête (Luc 16, 1-10). Elle est donné par la petite Thérèse (1) : si les gens de ce monde sont habiles en générosité,  combien plus devrions nous faire oeuvre de charité,  nous qui avons reçu de Dieu des biens en abondance.  "Donne nous un double Amour", demande-telle, soulignant qu'il nous viendra de Dieu. Reste ensuite à agir.

(1) Thérèse de Lisieux, Manuscrit autobiographique B, 4r°

03 novembre 2016

Trois lectures de l'Écriture - Saint Jérôme

"La science de la loi de Dieu, nul ne peut la recevoir si elle ne lui a été donnée par le Père des lumières qui illumine tout homme venant en ce monde". Jérôme continue plus loin en précisant : "Une triple manière nous est chère pour exposer les Écritures. La première est de les comprendre selon le sens historique, la seconde selon la tropologie [sens éthique], la troisième selon l'intelligence spirituelle". (1) Dans le dernier niveau, il ajoute que "la méditation de la vie courante devient ainsi la figure du bonheur futur". Henri de Lubac, dans ses exégèses médiévales parlera, sur la base d'autres Pères de l'Église de quatre sens. Il distingue la lecture spirituelle de la téléologique qui sont contenues, de fait, dans ce troisième point. Personnellement je travaille notamment à la croisée de ces deux points. Mes 8 tomes de lectures pastorales cherchent pour l'instant à réveiller dans l'aujourd'hui de nos vies, les pas de Dieu vers nous. Les 4 sens sont présents mais ce qui prime, c'est le chemin du Verbe jusqu'au coeur.

(1) Saint Jérôme, Lettre 120 à la veuve Hédypia, cité in Claude Ollivier, Jérôme, Paris, Éditions Ouvrières, 1993, p. 101.

31 octobre 2016

Miséricorde - suite

Il y a beaucoup à contempler 
dans le texte de dimanche
(31eme dimanche du temps ordinaire) 
sur la miséricorde divine : 
"tu as pitié de tous les hommes,

parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs péchés,
pour qu'ils se convertissent. (...)
 

Ceux qui tombent, tu les reprends 

peu à peu,

tu les avertis, tu leur rappelles en quoi 

ils pèchent,
pour qu'ils se détournent du mal
et croient en toi, Seigneur."  (
Sg 11, 22 – 12)

Le psaume 144 souligne cela avec tendresse, 

reprenant l'affirmation d'Exode 34 :

"Le Seigneur est tendresse et pitié, 

lent à la colère et plein d'amour ; 

la bonté du Seigneur est pour tous, 

sa tendresse, pour toutes ses œuvres."

La tendresse du Christ 

pour Zachée (Lc 19, 1-12), 

se révèle quant à elle quand il 

qui veut habiter chez le publicain.

Que nous dit tout cela ?

La faute de l'homme ne demande 

pas une "expiation infinie" mais 

"qu'il se redresse et se relève 

par lui-même" nous dit saint Anselme (1).

 Et pour offrir ce choix, le seul chemin

tracé par Dieu est la voie 

prise librement par l'homme-Dieu 

et qui interpelle notre liberté 

tout en criant cet "où es-tu ?" (Gn 3)

 qui nous réveille et nous invite 

à la danse. Cette voie n'est pas de l'ordre 

de la réparation, mais de la justification 

au sens paulinien et non français : 

Dieu n'exige rien, il pleure et il souffre

de nos erreurs, il meurt de nos violences,

Il est partout où l'homme souffre et meurt,

Il est crucifié de nos collusions au mal,

Et son cri n'a qu'un but : nous aider à prendre

le chemin de la justice, à suivre le fils

aimant et en cela à nous "justifier", à devenir juste

c'est-à-dire à choisir le destin auquel ils nous appellent.

Cf. Rom 8, 30.


(1) Anselme,  CDH 2, 8 cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 226

30 octobre 2016

Suivre nu, le Christ nu...

Jusqu'où va le don ? Il n'est pas simple de mettre la limite. Et pourtant la porte est étroite pour celui qui as des biens. Quel chemin avant d'entendre le message du Christ, que de détours dans notre disponibilité à l'appel.

Saint Jérôme, lui, n'hésite pas : "Si l'Évangile ordonne à ceux qui ont des terres et des richesses de tout vendre, de tout donner aux pauvres, et de suivre, nus, le Christ nu, tu dois, mon respectable ami, dans le cas où tu serais riche, faire ce qui t'est commandé. (...) cette humble veuve de l'Évangile qui mit dans le tronc deux petites pièces de monnaie est au dessus de tous les riches. Toi donc, ne cherche pas ce que tu dois donner, mais donne ce que tu as acquis afin que le Christ reconnaisse le courage (...) et que le Père aille joyeux à ta rencontre (...) et te donnes l'anneau (Lc 15) (1)".

(1) Saint Jérome, Lettre 146 au prêtre Evangelius, cité par Claude Ollivier, op. Cit p. 62

29 octobre 2016

Portrait d'un prêtre

"Considérant la sacerdoce non comme un honneur mais comme une charge, il se préoccupa d'abord de faire taire la jalousie par son humilité (...) il soulageait les pauvres, visitait les malades, leur offrait un asile, les consolait par ses douceurs, et pleuraient avec ceux qui pleurent. C'était la canne des aveugles, la nourriture des affamés, l'espoir des malheureux. (...) il a méprisé sa propre chair, parce qu'il marche tout paré de sa pauvreté, il découvre en son entier la vraie parure de l'Église" (1)

À contempler

(1) Saint Jérôme, lettre n°60 à Héliodore, éloge du prêtre Népotien, cité in Claude Ollivier, Jérôme, Paris, Les Éditions ouvrières, 1993, p. 56

28 octobre 2016

De la théorie du rachat au tout amour de Dieu

Encore une leçon d'humilité. J'ai souvent tendance à oublier que l'insistance sur le rachat n'est pas d'Anselme, mais de ses élèves. Pour Balthasar, la Croix n'est pas pour Anselme un rachat des âmes au Diable. "Dieu est absolument libre, il ne doit rien à personne. La rédemption du pécheur par le Christ n'est pas un rachat (...) l'obéissance du Christ incarné dépend intégralement de la spontanéité de son amour. (...) Tout le mystère trinitaire entre le Père et le Fils : que le Fils obéisse réellement et jusqu'à la fin, que le Père de son côté n'impose aucune contrainte, mais permettre le cheminement sacrificiel du Fils, tout ce mystère, de quelque biais qu'on l'envisage, est un mystère d'amour spontané, non contraint" (1).

Qu'est-ce à dire pour nous ? La liberté du Christ, son adhésion au projet du Père n'est pas sacrifice inutile, il s'inscrit pleinement dans cette pédagogie de Dieu qui met l'amour au centre, couronnement d'un refus de la violence. La mort du Fils est le jusqu'au bout de la non-violence de Dieu (2).


(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 223.
(2) je rejoins là mon dernier travail : "Dieu n'est pas violent".

La liberté comme victoire - Anselme de Cantorbéry

Un deuxième apport d'Anselme peut être de concevoir la liberté non comme un droit mais comme une victoire(1), celle d'accéder à la veritable liberté sur toutes les "adhérences humaines", addictions, tentations, péchés qui nous éloignent de ce à quoi nous sommes destinés (la joie en Dieu) et nous éloignent de Dieu.
Cette distinction conceptuelle est pleine d'intérêt car elle ne voit plus le pêché originel comme un boulet incontournable, mais comme une vision temporaire, anti-pélagienne et incomplète de notre réalité humaine. Nous sommes créés en vue de cette joie à venir... Et tout ce qui nous retient de marcher vers Dieu est chemin, lieu d'effort, de conversion, d'écoute, de décentrement en direction du seul but à atteindre, considérer :
- le passé comme balayure (cf. Ph. 3) et en même temps chemin de conversion et d'apprentissage
- et l'avenir comme appel et joie à venir, celle d'être porté par la grâce et d'être saisi en Christ (Ph 3) pour participer librement au Royaume.

Il reste un point à ajouter. C'est l'insistance sur la grâce, car nos adhérences au mal nous retiennent souvent d'accéder à cette victoire et nos addictions nous empêchent d'avancer. Là plus qu'ailleurs la prière prend du sens car Dieu seul peut nous aider à surmonter cet obstacle qui est de fait de l'ordre de l'originel. Si nous ne pouvons aller seul plus loin, c'est parce que la médiation du Christ est essentielle, point de basculement qui fait de nous des êtres assoiffés de cette grâce qui nous conduira à la victoire finale.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 217

Une joie pour tous - Joie en Dieu -Toussaint

Une distinction intéressante chez Anselme appelle à la réflexion. Ce n'est pas "la joie de Dieu qui entrera dans le coeur humain, mais les cœurs bienheureux qui entreront dans la joie toujours plus grande de Dieu" (1). Où est la différence ? Elle est probablement de même ordre que toute mystique qui ne constitue pas une inhabitation de Dieu en l'homme mais bien une dynamique qui nous conduit à construire la demeure de Dieu. J'ai déjà souvent commenté cette idée de "custode" chez Theilhard de Chardin, de ce Christ qui vient en nous, dans l'écrin et le temple que nous constituons pour Dieu, mais qui se garde bien d'y rester, s'échappe aussitôt pour nous tirer plus loin, vers la cathédrale des vivants. "Vous aussi, [soyez] les éléments d'une même construction pour devenir [] demeure de Dieu par l'Esprit Saint" (Éph 2, 22). L'enjeu n'est pas d'être demeure de Dieu mais de construire l'Église, et à terme, le royaume. La danse des anges n'est pas individuelle mais communion collective et union avec le cercle trinitaire qu'évoque Francois à la fin de Laudato Si.

En ce jour de la Toussaint où l'Église nous invite à méditer Apocalypse 5 et 7, cette dynamique prend un sens particulier.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 214

Dans un registre proche je n'oublie pas mes deux derniers romans : La caresse de l'ange et La danse des anges.

Un Dieu de miséricorde

La gloire de Dieu nous précède et nous dépasse.  Avant même que l'idée de nous ait pu surgir de l'amour de nos parents, Dieu avait posé sur nous son regard :"Il fut un temps où je n'étais pas, et tu m'as créé. Je n'avais pas prié, et toi, tu m'as fait. Je n'étais pas encore venu à la lumière, et tu m'as vu. Je n'avais pas paru, et tu as eu pitié de moi. Je ne t'avais pas invoqué, et tu as pris soin de moi. Je n'avais pas fait un signe de la main, et tu m'as regardé. Je n'avais pas supplié, et tu m'as fait miséricorde. Je n'avais pas articulé un son, et tu m'as entendu. Je n'avais pas soupiré, et tu as prêté l'oreille. Tout en sachant ce qui allait m'arriver actuellement, tu ne m'as pas dédaigné. Ayant considéré avec tes yeux prévoyants les fautes du pécheur que je suis, tu m'as cependant façonné. Et maintenant, moi que tu as créé, moi que tu as sauvé, moi qui ai été l'objet de tant de sollicitude, que la blessure du péché, suscité par l'Accusateur, ne me perde pas pour toujours ! ... Liée, paralysée, courbée comme la femme qui souffrait (Lc 13, 10-17) mon âme malheureuse reste impuissante à se redresser. Elle fixe la terre sous le poids du péché, à cause des durs liens de Satan... Penche-toi vers moi, seul Miséricordieux, pauvre arbre pensant qui est tombé. Moi qui suis desséché, fais-moi refleurir en beauté et splendeur, selon les paroles divines du saint prophète (Ez 17,22-24)... Toi, seul Protecteur, veuille jeter sur moi un regard sorti de la sollicitude de ton amour indicible... et de rien tu créeras en moi la lumière même. (cf Gn 1,3)" (1)

(1) Saint Grégoire de Narek, Le Livre de prières, n°18 (trad. SC 78, p. 123 rev.) 

27 octobre 2016

La gloire et l'agir

Quelle est la conclusion de notre traversée de l'Exode ? (1) Elle ne peut être que partielle tout en étant double. Partielle, parce que le livre de l'Exode n'est pas le tout de la révélation mais un chemin fragile. Double, parce que le Dieu qui y apparaît n'est pas nécessairement celui qui s'aperçoit en première lecture. Il n'est pas le Dieu des armées que clamaient trop vite les Juifs en mal de libération et de victoires sur leurs ennemis. Il est Dieu de gloire, Dieu qui se révèle à qui il veut, quand il veut, comme il veut (2).

Il n'est pas le Dieu violent que nos projections humaines pourrait espérer. Nous le voyons déjà dans notre traversée de la Genèse. Nous l'avons vu encore dans les multiples théophanies de l'Exode, nous l'avons trouvé surtout en creusant plus loin cette chaîne de révélations qui nous a conduit via 1 Rois 19 jusqu'à la Croix. Sans la Croix, comme clé de lecture, nous ne pourrions percevoir cette direction donnée à la révélation. C'est dans la comtenplation seule de la Croix que tout se révèle, que le voile du temple se déchire et qu'un Dieu offert, par amour, aux hommes, révèle l'unique gloire divine tout en niant tout chemin de violence. 

Quelle conclusion se dessine donc de cette lecture ? La voie de l'Exode n'est-il pas d'abord un chemin au désert, celui là-même que nous avons déjà commenté par ailleurs (3). Il est chemin pour nous, comme il l'est symboliquement pour tout lecteur, lieu de mise à l'épreuve de notre foi, lieu d'abandon et de décentrement, lieu de quête spirituelle qui nous amène à nous décentrer de nous-mêmes, à entrer en dialogue avec Dieu, à nous laisser conduire.

On ne peut faire l'économie de ce passage. Et comme le note avec justesse Balthasar, "le chrétien ne rencontre son prochain que lorsqu'il a éprouvé, dans la "crainte de Dieu", quelque chose de la dimension "tout autre" de l'amour de Dieu le Seigneur et lorsqu'il tente d'aimer humblement son prochain en tendant à cette dimension inaccessible (4)".

Pourquoi ? Parce que dans ce déchirement intérieur s'aperçoit un autre Dieu que celui de nos fantasmes et de nos projections, un autre Dieu que le Dieu violent et omni-créateur. Ce qui transparaît est l'amour infini que Dieu révèle sur la Croix, un Dieu qui nous donne tout et face auquel nous ne sommes que des amateurs. Un Dieu qui seul peut agir en nous, à travers nous, en dépit de nos adhérences au mal....

Ce Dieu est celui qui n'est qu'amour. Un amour infini face auquel nous nous sentons petits, incapables, impuissants, un Dieu dont seul l'amour est puissance,  force, vie et vérité.  Un Dieu qui se met à genoux devant nous pour nous conduire à l'amour. Face à ce tout orgueil,  toute puissance,  toute possession semblent vides. Non Dieu n'est pas violent. Il est amour et sa justice ne pourra être que cet amour déployé jusqu'à l'infini, jusqu'à pleurer de nos dénis et de nos aveuglements.  


(1) Lire l'ancien testament, tome 2 - Le livre de l'Exode (vient de paraître)
(2)  cf. Sur ce thème, Hans Urs von Blathasar, La gloire et la Croix, 3, Théologie, Ancienne alliance, Aubier, n°82, (ci-après GC4) p. 16ss. : "L'homme croit toujours avoir une compréhension globale (de Dieu), (...) mais en présence de la gloire qui s'avance, il tombe à genoux".

(3) Cf. notre recherche Le chemin du désert, un itinéraire spirituel.

(4) GC4 p. 14.