15 septembre 2016

Une procession silencieuse

Quel est finalement l'enjeu de mes réflexions sur la dynamique sacramentelle. Il est, en fait, dans l'actualisation en devenir du "Faites ceci en mémoire de moi". Nous devrions vivre chaque eucharistie dans cette dynamique intérieure suggérée par Varillon d'offrir nos "travaux" sur l'autel. À l'image de la danse africaine qui se "joue" à l'offertoire, nous devrions tous avancer dans nos cœurs avec nos efforts de la semaine et les présenter à Dieu pour qu'Il divinise ce que nous avons cherché à humaniser. L'enjeu est là, non dans le geste, mais dans ce qu'il signifie, dans la dynamique sacramentelle véritable qui s'est mise en branle dans nos vies.

À méditer

14 septembre 2016

Pierre un Pécheur aimé

Dans la tension que nous avons ouverte entre Marie et Pierre, il peut nous arriver de percevoir combien nous sommes de la race de ceux qui ne cessent de chuter, renier et délaisser notre maître au lieu de nous tenir fidèle au pied de la Croix.
Notre seule consolation, à la suite du pape François est de nous savoir "pécheur aimé"(1).

C'est la joie de Pierre. Elle doit nous porter dans l'espérance.

(1) Spadaro, op. cit. p. 203


12 septembre 2016

Le clown pour Dieu

Ici se termine mes notes de lecture du tome 7 de la Gloire et la Croix d'Urs von Balthasar (GC7). Le dernier chapitre qui mérite le détour évoque la figure du clown pour Dieu, de don Quichotte, Simplicius à l'Idiot de Dostoeisvsky, mais aussi au clown de Rouault.
On y trouve une étonnante contemplation de l'humilité et de la charité loin de tout valoir et pouvoir. C'est finalement un ode à la folie de Dieu au sens paulinien.
À méditer

09 septembre 2016

Pure image du Christ

La lettre aux Romains n'évoque pas la vierge mais pourrait fort bien l'avoir en tête et ce n'est sans doute pas pour rien que la liturgie nous donne cet extrait à contempler le jour de la nativité : " Ceux qu'il a destinés d'avance à être configurés à l'image de son Fils, pour que ce Fils soit le premier-né d'une multitude de frères.
Ceux qu'il avait destinés d'avance,
il les a aussi appelés ;
ceux qu'il a appelés,
il en a fait des justes ;
et ceux qu'il a rendus justes,
il leur a donné sa gloire."
Plus qui voir un chemin inaccessible pour nous, il nous appartient de rendre grâce pour ces figures qui nous appellent à grandir.

Humilité - Caussade

"L'âme doit réellement apprendre à ne trouver plus aucun appui hors d'elle et en elle, à ne sentir que faiblesse, à supporter sa souffrance", à se paraître pleinement inutile, à être humiliée, "comme un fragment de pot cassé dont personne ne s'avise à tirer le moindre service", nous apprenant à nous tenir si bas que nous disparaissions à nos propres yeux" (...) car Dieu veut être en nous pauvrement et sans tous les accompagnements de sainteté qui rendent les âmes admirable" (1).

A l'heure de la canonisation de mère Térésa, il nous faut contempler cette nuit de la foi qui génère les plus grands saints, ceux que Dieu a choisi pour être instruments de sa charité sans qu'ils en tirent de bénéfices intérieurs, voir restent dans la nuit la plus profonde. S'abandonner pour laisser Dieu être ? C'est probablement le prix à payer.

Qui sommes-nous pour comprendre les voies de Dieu ? On pense à cette tapisserie dont les fils sont tous embrouillés et pourtant se fait "point à point" en vue du dessin parfait qui n'apparaîtra, à l'endroit que dans l'éternité(2).


(1) Jean-Pierre de Caussade, direction spirituelles, volume 2, cité par Hans Urs von Balthasar in GC7 Op.Cit p. 184-5

(2) Caussade, ibid. 37. 122. GC7 p. 185

06 septembre 2016

Un Fiat qui résume tout - Caussade

Ce fiat marial qui "résume tout". "Il n'y a qu'à recevoir et à laisser faire"(1). C'est la pure foi, nue, dépouillée, qui ne veut pas disposer d'elle même, qui ne veut rien savoir ; qui est (...) l'unité indissoluble de la foi, de l'espérance et de la charité". Une espérance qui se fonde, poursuit Caussade, "sur les trésors de la miséricorde infinie de Jésus-Christ".
On entend presque en écho le Magnificat de Luc : "Il s'est penché sur son humble servante (...) il a fait pour moi des merveilles"‎.

Caussade insiste sur la contemplation de "l'instant", de l'aujourd'hui ‎qui "contient l'unique nécessaire", comme cette manne du désert qui éduque l'homme à la confiance en son Dieu. Il nous invite à suivre Jésus "sans savoir où conduit le chemin"(2), à s'aventurer dans "la mer immense de la volonté de Dieu" (3).


Ce chemin n'est pas sans angoisse, ennuis et désespoirs sans le sentiment d'avoir perdu Dieu, qu'il n'est plus là qu'il ne répond plus. L'expérience des ténèbres qui est aussi celui de la Vierge, reste habitée, autant possible par le sentiment d'une présence, tout en passant aussi parfois par cette déréliction qui ‎marque tout chemin du désert. Au lieu de céder aux murmures et à la tentation, il nous appartient de tenir car il est toujours là... Un jour viendra "le festin, la fête perpétuelle (...) un Dieu toujours donné toujours reçu (...) une communion de tous les instants, une sorte de sacrement (...) où tout devient pain pour me nourrir.

(1) Gc7 p. 183
(2) Ibid.
(3) p. 184.




02 septembre 2016

Un seul esprit - Saint Bernard

Dans ma dynamique sacramentelle je développe une lecture spirituelle de Gn 2,24 qui voit l'union de l'Église et de l'Époux comme point ultime de l'hyperbole. saint Bernard, dans le contexte particulier du Moyen-Âge à une distinction formelle que je vous laisse découvrir : " Commentaire du jour : "De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins de semblable à semblable... L'amour de l'Époux, ou plutôt l'Époux qui est Amour ne demande qu'amour réciproque et fidélité. Qu'il soit donc permis à l'épouse d'aimer en retour. Comment n'aimerait-elle pas, puisqu'elle est épouse et l'épouse de l'Amour ? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé ? (...) Mais, même si elle fond tout entière en amour, que serait-ce en comparaison avec le torrent d'amour éternel qui jaillit de la source même ? Le flot ne coule pas avec la même abondance de celle qui aime et de l'Amour, de l'âme et du Verbe, de l'épouse et de l'Époux, de la créature et du Créateur ; il n'y a pas la même abondance dans la fontaine et dans celui qui vient boire... (...) C'est là l'amour pur et désintéressé, l'amour le plus délicat, aussi paisible que sincère, mutuel, intime, fort, qui réunit les deux amants non pas en une seule chair mais en un seul esprit, de sorte qu'ils ne soient plus deux mais un, selon saint Paul : « Qui s'attache à Dieu est avec lui un même esprit » (1Co 6,17) (1)

Saint Bernard, Sermons sur le Cantique des Cantiques, n° 83 (trad Béguin, Seuil 1953, p.849s rev).

Tentation mystique - Fénelon

As-ton assez parlé dans ce blog de tentation mystique. La pique de Balthasar fait ici réfléchir : "Les Français [de l'école] semblent avoir été tellement occupés de leur rencontre personnelle avec Dieu que l'ouverture catholique au monde passa à l'arrière plan, voire resta un élément extérieur à côté de la contemplation (1).

Pour le théologien, il manque finalement à l'enseignement de Fénelon un centre de gravité christologique, tant il se fixe avec une obstination spirituelle sur l'idée abstraite d'indifférence. (...) l'état devient plus important que l'objet"(2).



(1) GC7 p. 179
(2) Ibid.

31 août 2016

Vivre en Christ - Bérulle et Charles de Condren

Les deux oratoriens Bérulle et Charles de Condren vont plus loin que Ruysbroeck et Eckhart sur le chemin de l'in Christo nous précise Balthasar. Leur démarche éloigne ainsi tout risque de dérive vers le platonisme. Leur contemplation est plus centrée sur la médiation du Christ(1) . Il en découle une vie "plus incorporée en Christ" (2) mais aussi un retour à la contemplation de Marie, qui avait introduit notre recherche. C'est dans la contemplation de son chemin intérieur face à Jésus enfant jusqu'à la Croix que nous pouvons saisir le rôle de la Vierge. 
 Elle est chemin parce qu'elle a traversé tout cela jusqu'à l'instant final. C'est le stabat mater qui est voie pour nous dans l'épreuve et fait d'elle une intermédiaire de poids sur nos chemins d'homme.



(1) GC7 p. 175‎.
(2) p. 176


Autorité de Jésus

En quoi est-elle différente de celle des Pharisiens et des scribes ? (1)
A la différence de ceux qui revendiquent un pouvoir qu'ils n'ont pas, celle du Christ repose sur le don du Père. Elle ne vient pas de lui, mais de sa contemplation et de sa prière, de son humilité (kénose) et de son obéissance. La est la différence. Elle se contemple jusque dans sa manière d'être et de mourir.


Résonances

"Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel". (Jn 3, 27)

On en perçoit le sens dans sa phrase à Pilate
‎"Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut." (Jn 19, 11)

(1) cf Luc 4.

29 août 2016

Indifférence, élection et obéissance

La voie tracée par Ignace, qui doit éviter la tentation mystique, "comme une oeuvre, au sens stoïcien ou boudhiste" (...) en s'élevant, "en vertu d'une pseudo éthique, au dessus de l'humanité considérée comme illusoire, insignifiante ou dangereuse"‎ doit trouver, dans l'élection et l'obéissance à Dieu, un "chemin étroit et abrupt" (1).

Cette analyse est pertinente dans le contexte baroque dont "le point culminant est dans la glorification de l'Etat, paré du scintillement religieux du Baroque ecclésial"(2)‎. Elle l'est aussi dans notre environnement actuel. A ceux qui se laissent tenter par un communautarisme étriqué, le discernement ignatien ouvre les portes vers le monde et sa "périphérie". Le monde n'est pas à abandonner. 
L'élection vise cette oeuvre ouverte habitée par les trois paraboles de Luc 15 (brebis perdue, fils prodigue,..). En cette année de la miséricorde, le pape nous le rappelle avec une acuité nouvelle.

Mais l'élection elle même peut devenir lieu de chute. L'oebéissance devient alors, chez Ignace, l'ultime garde-fou, celui qui nous fait échapper à la tentation de faire de notre élection un nouveau lieu de pouvoir et d'autorité. La force du catholicisme est de tout ordonner sous une hiérarchie qui, non-obstant son poids et ses abus humains, à le mérite de conduire l'homme au-delà de lui-même, dans une diaconie véritable.

Il y a là, d'ailleurs, un chemin de contemplation que nous n'avons pas esquissé encore dans ces pages. Ignace parle d'abord de l'obéissance à Dieu, qui "purifie notre intelligence, notre volonté et notre sentiments(3)", mais ses voies ne prennent pas seulement le chemin de la Parole. L'Église est aussi un lieu d'exercice de l'obéissance divine.

Chose inouïe aujourd'hui à l'ère du tout est permis, il faut reconnaître à la communion vivante des Apôtres un pouvoir qui ne peut qu'être structurant pour l'homme. 
Cela n'empêche pas un liberté intérieure, mais cela impose une exigence, celle d'éclairer sa conscience, de toujours vérifier qu'elle ne succombe pas à l'illusion solitaire du pouvoir et du valoir. La direction spirituelle obéissante aux "surveillants" épiscopaux ou autres, est lieu de discernement et de croissance. 
Obéir "c'est avoir l'avant denier mot", disait mon évêque. J'aime l'expression qui sous-entend un dialogue. Une Église fermée au dialogue est fermée à l'Esprit mais le libre-penseur ne doit pas cesser d'écouter. Il y a la une tension (encore une) qu'il convient de maintenir.


(1) GC7 p. 168
(2) p. 166.
(3) p. 170


28 août 2016

Course ignatienne

De l'indifférence à l'élection, c'est finalement devenir transparent ‎à la Personne qui envoie, être "représentant de Dieu", dans l'apostolat (cf. à ce sujet les propos déjà rapportés de Madeleine Delbrêl), pour la (seule) et plus grande gloire de Dieu.

"C'est à Son service que l'existence voudrait se consumer dans l'ardeur de son amour" (...). Cette vocation conduit à un "dynamisme" qui fait que "la grâce et la mission de Dieu n'a rien d'incroyable et d'impossible" (1).

On retrouve dans les propos de Balthasar sur Ignace, cette impression de course déjà notée chez Paul et Grég‎oire de Nysse.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC7 p. 163-4

27 août 2016

Les joies terrestres - Sainte Monique

"Je suis comblée sur ce point, puisque je vois que tu es son serviteur au point de mépriser les joies terrestres. Qu'est-ce que je fais ici? " disait sainte Monique à son fils Augustin...

Cette phrase entre en résonance avec l'homélie de mon curé hier. Les huiles des vierges folles (Mat 25, 1-13) sont d'essence terrestre, alors que les autres s'occupent de la rencontre ultime.  Il ne faut pas en conclure que le monde est à ignorer,  mais percevoir que notre vie n'a de sens qu'orienté vers le rendez-vous final. 

Être serviteur de l'invisible,  c'est se tourner vers l'essentiel. 

Où est l'essentiel ? La confrontation entre Marthe et Marie mérite d'être contemplée dans sa tension féconde. 

"Marie a choisi la meilleure part" (Luc 10, 42), mais Marthe a compris l'essentiel (cf. Jn 11).

L'essentiel nous dit Francois peut être à la "périphérie".  C'est à l'amour que nous serons jugés dignes d'entrer dans la danse.

Versé pour la multitude


De Marc 14 et Jn 19 à  Saint Colomban, la contemplation de la source jaillissant du coeur du Christ nous conduit toujours plus loin. 

Relisons les 3 textes, à la lumière des paroles de Jésus à la Samaritaine (Jn 4) :

Marc 14:23-24 BCC1923

Il prit ensuite la coupe, et, ayant rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit: "Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, répandu pour la multitude.

Jean 19:33-34 BCC1923

Mais quand ils vinrent à Jésus, le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes; mais un des soldats lui transperça le côté avec sa lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau.


"Frères, suivons notre vocation : à la source de la vie nous sommes appelés par la vie cette source est non seulement source de l'eau vive, mais de la vie éternelle, source de lumière et de clarté. D'elle en effet viennent toutes choses: sagesse, vie et lumière éternelle. L'auteur de la vie est la source de la vie, le créateur de la lumière est la source de la clarté. Aussi, sans regard pour les réalités visibles, cherchons par-delà le monde présent, au plus haut des cieux, la source de l'eau vive, comme des poissons intelligents et bien perspicaces. Là nous pourrons boire l'eau vive qui jaillit pour la vie éternelle

Veuille me faire parvenir jusqu'à cette source, Dieu de miséricorde, Seigneur de bonté, et que là je puisse boire, moi aussi, avec ceux qui ont soif de toi, au courant vivant de la source vive de l'eau vive. Qu'alors, comblé de bonheur par cette grande fraîcheur, je me surpasse et demeure toujours près d'elle, en disant : « Qu'elle est bonne, la source de l'eau vive; elle ne manque jamais de l'eau qui jaillit pour la vie éternelle ! »

O Seigneur, tu es, toi, cette source qui est toujours et toujours à désirer, et à laquelle il nous est toujours permis et toujours nécessaire de puiser. Donne-nous toujours, Seigneur Jésus, cette eau, pour qu'en nous aussi elle devienne sourced'eau qui jaillit pour la vie éternelle. C'est vrai : je te demande beaucoup, qui le nierait ? Mais toi, Roi de gloire, tu sais donner de grandes choses, et tu les as promises. Rien de plus grand que toi, et c'est toi-même que tu nous donnes ; c'est toi qui t'es donné pour nous.

Aussi est-ce toi que nous demandons, afin de connaître ce que nous aimons, car nous ne désirons rien recevoir d'autre que toi. Tu es notre tout : notre vie, notre lumière et notre salut, notre nourriture et notre boisson, notre Dieu. Inspire nos cœurs, je t'en prie, ô notre Jésus, par le souffle de ton Esprit, blesse nos âmes de ton amour, afin que chacun de nous puisse dire en vérité : Montre-moi celui que mon cœur aime, car j'ai été blessé de ton amour.

Je souhaite que ces blessures soient en moi, Seigneur. Heureuse l'âme que l'amour blesse de la sorte : celle qui recherche la source, celle qui boit et qui pourtant ne cesse d'avoir toujours soif tout en buvant, ni de toujours puiser par son désir, ni de toujours boire dans sa soif. C'est ainsi que toujours elle cherche en aimant, car elle trouve la guérison dans sa blessure. De cette blessure salutaire, que Jésus Christ, notre Dieu et notre Seigneur, bon médecin de notre salut, veuille nous blesser jusqu'au fond de l'âme. À lui, comme au Père et à l'Esprit Saint, appartient l'unité pour les siècles des siècles. Amen" (1)

(1) Saint Colomban, Le Christ, source de vie, souce AELF

26 août 2016

De l'indifférence à l'élection - Ignace de Loyola

Dans la ligne de GC7, après toutes les pages consacrées à l'indifférence et au décentrement dans le Moyen-âge tardif, Balthasar souligne combien la particularité d'Ignace est de placer celles ci au début de ses exercices. La deuxième semaine peut alors s'axer sur l'élection, "ce que Notre Seigneur  nous aura donné de choisir", (Ex. 135) c'est à dire "ce choix particulier accompli spontanément et volontairement dans la liberté éternelle de Dieu" (1)

‎(1) GC7 p. 160