31 juillet 2016

Dieu, l'éternelle surprise

Trouver Dieu dans l'aujourd'hui demande une attitude contemplative. Car trouver Dieu en toutes choses n'est pas "un eurêka empirique" (1), mais contempler Dieu comme premier, toujours premier,  "Un Dieu qui nous précède" (2), un Dieu qui se rencontre en marchant, non dans un relativisme indistinct, mais "comme une surprise.  On ne sais jamais où ni comment on le trouve, on ne peut pas fixer le temps ou les lieux où on Le rencontre (3).

Dieu est dans chaque homme. Il n'est pas dans une doctrine ou une contrainte, mais se révèle dans l'irruption du bien. "Même si la vie d'une personne est un terrain plein d'épines et de mauvaises herbes, c'est toujours un espace dans lequel la bonne graine peut pousser" (4). Tel est notre espérance,  celle d'un Dieu qui se révèle par surprise dans "Le bruit d'un fin silence" (1 R 19) dont nous avons montré qu'il pouvait être le cri de l'homme comme le chant des anges (5).

(1) Le pape François,  L'Église que j'espère,  entretien avec A. Spadaro, p. 107
(2) ibid. p. 108
(3) et (4) p. 109
(5) Cf. Humilité et miséricorde,  tome 1 p.109ss

30 juillet 2016

Un amour qui élargit


Comme le souligne bien Ronald D.  Whitherup (1),  l'appel de Paul à l'imiter peut paraître surprenant voir orgueilleux si ce dernier n'était ampli d'humilité et si surtout sa vie visait l'imitation du Christ (cf. notamment Ph. 3). Et en même temps, la contemplation de ses lettres poussent à entrer dans un amour plus large.

Saint Jean Chrysostome nous le fait remarquer avec justesse dans son commentaire de 2 Corinthiens : "Notre cœur s'est dilaté.De même que la chaleur produit un épanouissement, la charité a pour effet de dilater, car c'est une vertu chaude et ardente. C'est elle qui ouvrait la bouche de Paul et dilatait son cœur. « Je ne vous aime pas seulement en paroles », veut-il dire. « Mon cœur s'accorde avec ma bouche : je m'exprime donc en pleine liberté (...) » Il n'y avait rien de plus largement ouvert que le cœur de Paul. Il aimait ardemment tous les fidèles, comme si chacun était son préféré, sans laisser son affection se diviser ou s'affaiblir, mais en la faisant reposer tout entière sur chacun. Et qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'il ait eu un tel amour pour tous les fidèles, lui dont le cœur embrassait jusqu'aux infidèles de la terre entière ? C'est pourquoi il ne dit pas : « Je vous aime », mais ce qui est beaucoup plus éloquent: Notre bouche s'est ouverte, notre cœur s'est dilaté ; nous vous tenons tous au-dedans de nous, non pas d'une façon quelconque, mais de la façon la plus généreuse. Car celui qui est aimé se trouve parfaitement à l'aise dans le cœur de celui qui l'aime. C'est pourquoi saint Paul ajoute : Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous, c'est dans vos cœurs que vous êtes à l'étroit. Vous voyez que son reproche est plein de délicatesse, comme il convient à ceux qui aiment vivement. Il ne dit pas : « Vous ne nous aimez pas », mais « Vous ne nous aimez pas dans la même mesure. » Car il ne veut pas les reprendre trop fortement. (...) On peut parfaitement voir combien son amour pour les fidèles est ardent, si l'on recueille ses propos dans chacune de ses lettres. Il dit aux Romains : J'ai un très vif désir de vous voir; j'ai souvent projeté de me rendre chez vous; il demande continuellement d'avoir enfin l'occasion de se rendre chez vous. Il dit aux Galates : Mes petits enfants que, dans les douleurs, j'enfante à nouveau. Aux Éphésiens : Je tombe à genoux en priant pour vous. Aux Philippiens : Quelle est notre espérance, notre joie, notre orgueil, sinon vous ? Et il disait que, dans sa captivité, il les portait dans son cœur. Aux Colossiens : Je veux que vous sachiez quel rude combat je mène pour vous et pour tant d'autres qui ne m'ont jamais vu personnellement, afin que vos cœurs soient encouragés. Aux Thessaloniciens :Comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons, ayant pour vous une telle affection, nous voudrions vous donner non seulement l'Évangile, mais tout ce que nous sommes. (...)
Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous, dit-il ici aux Corinthiens. Il ne dit pas seulement qu'il les aime, mais aussi qu'il est aimé d'eux, afin de les attirer davantage. Et il l'atteste lorsqu'il dit : Tite est venu nous faire part de votre vif désir, de vos larmes, de votre zèle." (2)

(1) cf. 101 questions,  op Cit.
(2) Saint Jean Chrysostome,  Homélie sur la deuxième lettre aux Corinthiens, source AELF



29 juillet 2016

La tentation raisonnante

"Celui qui veut éprouver Dieu doit éprouver tout dans l'Un et ne s'opposer à aucune souffrance, mais cela c'est le Christ", disait déjà Denys (1)‎. Cette phrase introduit un long développement de Balthasar sur l'évolution de la pensée rationnelle au delà de Jean Tauler et de ses pairs. Il y décrit la tentation de tout ramener à la raison au point de sortir Dieu pour y substituer "la transcendance impersonnelle de notre esprit".

On sent bien à ce stade le risque qui pointe de ne plus vouloir accepter l'inconnu de Dieu. Ce qui est inconcevable par l'homme ne peut être. Mais la tentation de tout raisonner laisse-t-elle une place au souffle divin ?

Nous entrons là dans l'ère moderne. Notre chemin n'est-il pas d'entendre cet ultime défi de l'orgueil humain qui veut refuser ce qu'il considère comme étant la faiblesse de la foi. Notre tâche est immense car l'écart entre Dieu et l'homme n'a cessé depuis de s'étendre. Pour. Le rejoindre  "Il faut une Église qui n'ai pas peur d'entrer dans leur nuit. Il faut une Église capable de les rencontrer sur leur chemin. Il faut une Église en mesure de se mêler à leurs conversations. Il faut une Église qui sache dialoguer avec ces disciples, qui quittent Jérusalem, errent sans but, seuls avec leur désenchantement, avec la désillusion d'un christianisme considéré comme un terrain stérile, infécond, incapable de générer du sens." (2)

(1) GC7 p. 124
(2) Pape François, discours à l'épiscopat brésilien à Rio le 27/7/2013, cité par Spadaro op. Cit p. 98



28 juillet 2016

Les limites de l'apathie

Nous continuons notre lecture du tome 7 de la Gloire et la Croix (GC7). Au delà de F. Suarez et Maître Eckhart, l'apathie chrétienne semble s'être affrontée au réel, à la souffrance, dans son irréductible réalité. Doit-on pour cela nier l'intérêt du chemin intérieur qui relativisait notre importance et nous rendait disponible à Dieu ?
L'erreur d'Eckhart semble être pour Balthasar dans l'excès. L'apathie peut conduire à l'indifférence à l'autre, à l'individualisme mystique. A l'autre bout du spectre, la souffrance peut aussi nous envahir au point de rejeter Dieu...

Le chemin est dans  l'entre- deux, et probablement dans un retour au centre qui ne rejette ni la souffrance ni la kénose.




27 juillet 2016

Au service de l'homme

Toujours à la recherche de pépites je ne peux que reproduire cette citation qui fait écho à cette belle image longuement commenté de Bonaventure, qui voit l'homme tenant une misérable amphore au milieu du fleuve de l'amour divin(1). Ici Jean de Ruysbroeck va plus loin :‎ "Dieu s'est mis humblement au service de l'homme, si courtoisement et fidèlement que le chrétien se sent toujours loin derrière Dieu pour la vénération et le service" (2). 

On s'approche là de la danse kénotique de Dieu vers l'homme, dont on retrouve des accents chez J. Moingt.

L'accent trinitaire est aussi présent puisque l'auteur évoque au delà du Christ offert "cette lumière éclatante et incompréhensible : auguste Trinité" qui investit de tout son éclat et aveugle tout oeil humain, tellement elle est insondable"  (...) tout "revigorant l'homme" (3) de sa présence. 
Élan mystique ? Consolation ? Je pencherai pour une simple contemplation de la grâce divine, qui survient quand on ne l'attend pas et donne à l'homme la force d'agir.

(1) cf GC2 et mon livre éponyme.
(2) Jean de Ruysbroeck, L'ornement des oeuvres spirituelles, I, 12, cité par Hans Urs von Balthasar, GC7 p. 139
(3) ibid.


Semences et miséricorde

La liturgie nous donne à contempler le beau texte du semeur. Sous la plume de saint Jean Chrysostome on y voit la mesure débordante et miséricordieuse de Dieu : "On aurait raison de faire des reproches à un cultivateur qui semait si largement... Mais quand il s'agit des choses de l'âme, la pierre peut être changée en une terre fertile, le chemin peut n'être pas foulé par tous les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre aux grains de pousser en toute tranquillité. Si ce n'était pas possible, il n'aurait pas répandu son grain. Et si la transformation n'a pas lieu, ce n'est pas la faute du semeur, mais de ceux qui n'ont pas voulu se laisser changer. Le semeur a fait son travail. Si son grain a été gaspillé, l'auteur d'un si grand bienfait n'en est pas responsable."‎ (1)

(1) ‎Saint Jean Chrysostome, ‎Homélies sur Mt, 44 (trad. Véricel, L'Evangile commenté p. 138s) ‎

Face à la haine

On ne peut que penser à la clairvoyance du regretté René Girard, dans cette surenchère mimétique qui s'amplifie et montre jusqu'où la folie humaine peut conduire.  Plus que jamais le silence de la Croix semble être la meilleure réponse à la surenchère et au bruit.
Seul le souffrant, élevé sur le bois de la Croix, apparaît comme la solution à cette haine.

26 juillet 2016

Nativité de la Vierge

Si l'on contemple aujourd'hui la nativité de la Vierge elle même et si l'on affirme qu'elle a été conçu sans péché,  ce n'est pas pour déclarer que l'union des corps est lieu de chute,  mais plutôt pour nous aider à percevoir le chemin qu'il nous reste à parcourir pour atteindre cette perfection à venir qui fera de nos corps le temple véritable du Seigneur. 
Qui sommes nous en effet pour accueillir en nous la sainteté de Son Corps déchiré ?
Si la grâce nous donne de le recevoir,  c'est peut être qu'à son contact ce qui est indigne de lui se purifie, tel un buisson épineux brûlant sans se consumer mais devenant empli de l'intérieur de l'inconnaissable et inouï amour de Dieu pour l'homme.
Creusons en nous cette soif intérieure qui transformera nos corps pour ne faire qu'avec lui une seule chair. Entrons dans cette dynamique sacramentelle qui fait de nous des fils, pâles images d'un Dieu qui se révèle en nous, en dépit de nos faiblesses.

" Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, n'a pas connu le péché, l'Église, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement. » (LG 42)

25 juillet 2016

Le Dieu du sans pourquoi - Maître Eckhart

Depuis la rose qui fleurit sans raison (Silesius) jusqu'à l'homme qui parvient à l'acceptation totale des choses, sans plus s'interroger sur les raisons de Dieu, l'apport de Maître Eckhart, qui voit l'égalité de l'être et de Dieu n'est pas qu'un panthéisme indistinct. C'est aussi une contemplation qui rejoint l'apathie citée plus haut. L'homme y est appelé à chercher la "très chère volonté de Dieu et rien d'autre" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar , op Cit, GC7 p. 106 citant Reden der Unterweisung 22, D V 285

24 juillet 2016

Ode à l'indifférence ou l'apathie

Chez François Suarez, disciple d'Ignace, l'indifférence de l'être surgit de nouveau d'une manière décisive. Elle n'est autre, nous dit Balthasar(1)  que l'attitude d'abandon des mystiques, ce que nous avons appelé décentrement, apathie et qui rejoint le "tout est rien" déclaré par Thérèse d'Avila. Elle remonte, nous dit Balthasar à l'époque pré-chrétienne, se trouve déjà chez Virgile et les Tragiques.
 C'est aussi le fameux abandon de soi, cette entière disposition du coeur au mystère incompréhensible de l'amour divin‎, réponse de l'homme à la kénose, agapè qui "ne cherche pas son intérêt" mais se confie à Dieu...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar GC7, op Cit p. 96ss

23 juillet 2016

Kénose chez Tertullien

On ne peut que s'incliner devant la clairvoyance de Tertullien qui résume si bien, à sa manière l'hymne des Philippiens :
 : "Dieu ne pouvait pas vivre avec les hommes, à moins de prendre une manière humaine de penser et de réagir. C'est pourquoi il a voilé sous l'humilité l'éclat de sa majesté, que la faiblesse humaine n'aurait pas pu supporter. Tout cela n'était pas digne de lui, mais c'était nécessaire à l'homme, et du coup cela devenait digne de Dieu, car rien n'est aussi digne de Dieu que le salut de l'homme... Tout ce que Dieu perd, l'homme le gagne, si bien que tous les abaissements que mon Dieu a soufferts pour être près de nous sont le sacrement du salut des hommes. Dieu agissait avec les hommes, pour que l'homme apprenne à agir sur le plan divin. Dieu traitait d'égal à égal avec l'homme, pour que l'homme puisse agir d'égal à égal avec Dieu. Dieu s'est fait petit pour que l'homme devienne grand" (1)

Je retiens surtout cette allusion aux abaissements comme sacrements, car il donne au mot sa dynamique propre(2).

(1) Tertullien, Contre Marcion, 2, 27 ; PL II, 316-317, source AELF
(2) cf. aussi sur ce thème ma trilogie ou "dynamique sacramentelle".

22 juillet 2016

Église ouverte

Ne fermons pas la porte. Ne soyons pas "une église fermée" dans laquelle " les gens qui passent devant ne peuvent entrer" et d'où " le Seigneur qui est à l'intérieur, ne peut sortir"; ou pire avec des Chrétiens qui ferment à clé et "restent devant la porte‎" et "ne laissent entrer personne"(1)

(1) Pape François, messe à Sainte Marthe du 17/10 (2013 ?), cité par Spadaro, p. 93

21 juillet 2016

Le chemin du désert intérieur - Saint Bonaventure

On trouve dans le texte qui suit, le coeur de la spiritualité du disciple de saint François, mais aussi, des élans que lon pourrait trouver dans la spiritualité de Jean de la Croix.  

La contemplation de la Passion inspire à Bonaventure un double mouvement,  proche de ce "tout est rien" déjà évoqué chez Thérèse d'Avila.  Renoncer à l'intelligence des choses, d'une part,  s'abandonner à la volonté de Dieu d'autre part.  Ce décentrement n'est pas différent de ce que je cherche à décrire dans mon "chemin du désert", mais Bonaventure a une longueur d'avance. Il tend à la ressemblance : "Le Christ est le chemin et la porte, l'échelle et le véhicule ; il est le propitiatoire posé sur l'arche de Dieu et le mystère caché depuis le commencement.Celui qui tourne résolument et pleinement ses yeux vers le Christ en le regardant suspendu à la croix, avec foi, espérance et charité, dévotion, admiration, exultation, reconnaissance, louange et jubilation, celui-là célèbre la Pâque avec lui, c'est-à-dire qu'il se met en route pour traverser la mer Rouge grâce au bâton de la croix. Quittant l'Égypte, il entre au désert pour y goûter la manne cachée et reposer avec le Christ au tombeau, comme mort extérieurement mais expérimentant — dans la mesure où le permet l'état de voyageur — ce qui a été dit sur la croix au larron compagnon du Christ :Aujourd'hui avec moi tu seras dans le paradis. 

En cette traversée, si l'on veut être parfait, il importe de laisser là toute spéculation intellectuelle. Toute la pointe du désir doit être transportée et transformée en Dieu. Voilà le secret des secrets, que personne ne connaît sauf celui qui le reçoit, que nul ne reçoit sauf celui qui le désire, et que nul ne désire, sinon celui qui au plus profond est enflammé par l'Esprit Saint que le Christ a envoyé sur la terre. Et c'est pourquoi l'Apôtre dit que cette mystérieuse sagesse est révélée par l'Esprit Saint. 

Si tu cherches comment cela se produit, interroge la grâce et non le savoir, ton aspiration profonde et non pas ton intellect, le gémissement de ta prière et non ta passion pour la lecture interroge l'Époux et non le professeur, Dieu et non l'homme, l'obscurité et non la clarté ; non point ce qui luit mais le feu qui embrase tout l'être et le transporte en Dieu avec une onction sublime et un élan plein d'ardeur. Ce feu est en réalité Dieu lui-même dont la fournaise est à Jérusalem. C'est le Christ qui l'a allumé dans la ferveur brûlante de sa Passion. Et seul peut le percevoir celui qui dit avec Job : Mon âme a choisi le gibet, et mes os, la mort. Celui qui aime cette mort de la croix peut voir Dieu ; car elle ne laisse aucun doute, cette parole de vérité : L'homme ne peut me voir et vivre.

Mourons donc, entrons dans l'obscurité, imposons silence à nos soucis, à nos convoitises et à notre imagination. Passons avec le Christ crucifié de ce monde au Père. Et quand le Père se sera manifesté, disons avec Philippe : Cela nous suffit. Écoutons avec Paul : Ma grâce te suffit. Exultons en disant avec David : Ma chair et mon cœur peuvent défaillir : le roc de mon cœur et mon héritage, c'est Dieu pour toujours. Béni soit le Seigneur pour l'éternité, et que tout le peuple réponde : Amen, amen. (1)

"Qui parmi les hommes pourra donner l'intelligence de tout cela à l'homme ? Quel ange la donnera aux anges ? Quel ange à l'homme ? C'est à toi qu'il faut la demander, en toi qu'il faut la rechercher, à ta porte qu'il faut frapper. Et ainsi, oui, ainsi on recevra, ainsi on trouvera, ainsi la porte s'ouvrira (Mt 7,8)." ( 2)

(1) Saint Bonaventure,  Itinéraire de l'âme vers Dieu,  source AELF

Cf. Aussi chemins.eklesia.fr/lecture/bonnaventure

(2) Saint Augustin,  Les Confessions,  13, 38

 


20 juillet 2016

Pastorale et discernement - 3

Continuons notre lecture de Spadaro. A propos de la fameuse phrase du Pape dans l'avion de retour de Rio sur le "si une personne est homosexuelle et qu'elle cherche Dieu, qui suis-je pour la juger ?", Spadaro précise ‎une phrase suivante du pape :"la rencontre est l'objet d'un discernement"(1). Il n'y pas de tabous, ce qui compte c'est le kérygme, l'annonce de Jésus Christ plus qu'une pastorale "obsédée par la transmission désarticulée d'une multitude de doctrines à imposer avec insistance". Donner le goût de Dieu et l'éthique viendra par capillarité ajouterais-je. La rencontre du Crucifié nous conduit à l'essentiel et au sens de la loi et non l'inverse.

(1) Spadaro, op Cit p. 91ss


Passivité et décentrement - Maître Eckhart

Poursuivons notre lecture : "Où la créature finit, Dieu commence d'être". (1) "Sa chance suprême est dans sa suprême passivité" (2). Nous approchons là encore de cette kénose de l'homme comme chemin, pour moi, de réponse à la kénose divine (même si ce dernier thème est ‎loin d'être mentionné par Eckhart). Il entre néanmoins pour moi en résonance avec la "passivité plus que passive" dont parle Emmanuel Lévinas.

Plus Di‎eu agit, plus la créature doit rester passive, car c'est ainsi seulement que les deux deviennent un" (3)

A-t-on là l'aboutissement de l'une seule chair de Gn 2, 24, passer de l'union sponsale au corps glorieux qui nous rendrait tels des anges ? Ce serait la piste de Jésus en réponse à la question du lévirat ?

En attendant, pour Eckhart, cette unité qui naît de l'abandon nous fait entrer dans l'unité trinitaire. "L'événement de la Trinité est un". Toute production, même naturelle est trinitaire, active et passive et amour réciproque qui y respire (4).

(1) Maître Eckhart, Predigten 5b, D I 92, cité par Hans Urs von Balthasar, GC7, op Cit p. 111
(2) GC7 ibid.
(3) Serm. 2, n. 6, L IV 8
(4) Gc7, p. 112.

18 juillet 2016

Une vérité explosive - Pape François 2

Dans le sillage de nos réflexions sur la loi et la caresse, j'aime cette citation : "La vérité de Dieu est inépuisable, c'est un océan dont nous apercevons à peine le rivage". Plutôt que défendre notre vérité il faut l'accepter comme "un don trop large pour nous, qui nous amplifie, nous élève". Elle nous met au service de ce don. Il nous faut saisir "la beauté" et "le caractère explosif de cette vérité". L'éducation à la vérité est une tâche exigeante, non un lieu où l'on connaît toutes les réponses "mais ‎ le lieu où toutes les questions sont acceptées", où, à la lumière de l'évangile, on "encourage une recherche personnelle", sans "dresser un mur de paroles" (1)

(1) Jorge Maria Bergoglio, Scegliere la vita. Propose per tempi difficili,‎ Milan, Bompiani, 2013, p. 78. 80. 76, cité par Spadaro, op. Cit. p. 90.


17 juillet 2016

La pastorale du seuil

Une contemplation de la première lrcture d'hier, hors de son contexte d'interprétation trinitaire traditionnnel peut nous amener fort loin. Relisons le d'abord : "Dès qu'il les vit, il courut à leur rencontre depuis l'entrée de la tente et se prosterna jusqu'à terre. 
Il dit : « Mon seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t'arrêter près de ton serviteur.
Permettez que l'on vous apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre.
Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d'aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l'as dit. »
Abraham se hâta d'aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer.
Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l'on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d'eux, sous l'arbre, pendant qu'ils mangeaient."  (Gn 18).
A l'aune de Mathieu 25, qui nous demande de voir Jésus dans les affamés de Dieu, on pourrait y voir une autre façon de vivre la pastorale. Et l'appel du pape à nous concentrer sur la périphérie constituait à courir vers l'homme blessé, tuer le veau gras (cf. Luc 15) et lui laver les pieds (cf. Jean 13), ne serions nous pas au coeur du message évangélique.  Que ce texte de Gn 18, soit une référence commune aux trois religions monothéistes n'est pas neutre.  Le lire à lz lumière des trois évangélistes cités lui donne une couleur particulière.  Elle rejoint l'accent particulier du bon Samaritain (Luc 10)

14 juillet 2016

La caresse et la loi - Pape François

Une question demeure dans un monde qui semble indifférent aux normes éthiques de base. Faut-il insister sur la loi, les règles la morale, alors que le monde rejette ces excès de moralisme (à l'exception d'un reste qui se réfugie au contraire dans ces protections factices) ? La réponse du pape est cohérente avec son idée d'hôpital de campagne : "Dieu ne nous sauve pas seulement par un décret, par une loi, il nous sauve par la tendresse, les caresses, il nous sauve par sa vie pour nous" (1)

Le pape ne met pas pourtant en arrière plan les préceptes moraux, précise Spadaro, il "invite à placer la doctrine morale de l'Église dans le contexte qui lui donne sa signification"(2).

"Nous ne pouvons guérir un malade si nous ne partons pas de ce qu'il y a de sain en lui (3)", il faut donc partir de ce qui est positif, des ressources dont le malade dispose encore, d'une disponibilité à la grâce qui n'a pas été entamée (4), précise Spadaro.

L'enjeu, et je le rejoins là tout particulièrement est dans la qualité de la relation : "plus qu'insister sur une norme objective indiscutable à laquelle chaque chrétien doit se conformer, le pape préfère demeurer ouvert à l'Esprit qui parle au croyant à travers sa vie, dans l'originalité des situations, dans le vif d'un moment historique donné, et dans la communauté des croyants qu'est l'Eglise"(5).


(1) Homélie du 22/10/13 à Sainte Marthe, citée par Spadaro, op. Cit p. 86.
(2) Spadaro, Cette Eglise que j'espère, p. 87
(3) Jorge Mario Bergoglio, Nel cuire dell'uomo. Utopia e impregno, Milan, Bompiani, 2013, p. 54, cité par Spadaro, Ibid.
(4) Spadaro, ibid.
(5) ibid. p. 90.


11 juillet 2016

La quête de sens

"On ne peut pas vivre pour l'avenir sans comprendre que le sens de la vie est plus grand que ce qui n'est que matériel et passager, que ce sens est au-dessus de ce monde-ci. Si la société et les hommes de notre continent ont perdu l'intérêt pour ce sens, ils doivent le retrouver... Si mon prédécesseur Paul VI a appelé saint Benoît de Nursie le patron de l'Europe, c'est parce qu'il pouvait aider à ce sujet l'Église et les nations d'Europe."

A contempler

(1)  Saint Jean-Paul II, Discours à Nursie, Italie 23/3/80 (trad. DC n° 1784 20/04/80) Source AELF

10 juillet 2016

Le bon Samaritain - Saint Sévère d'Antioche

Si dans la Parabole nous pouvons voir facilement que le Christ nous invite à sa suite à soigner l'humanité, nous pouvons contempler ce qu'ajoute Sévère d'Antioche : "Le Samaritain voyageur qui était le Christ donc — car il voyageait vraiment — a vu l'humanité qui gisait par terre. Il n'est pas passé outre, car le but qu'il avait donné à son voyage était « de nous visiter » (Lc 1,68.78), nous pour qui il est descendu sur la terre et chez qui il a logé. Car il n'est pas seulement « apparu, mais il a conversé avec les hommes » en vérité (Ba 3,38)... Sur nos plaies il a versé du vin, le vin de la Parole, et comme la gravité des blessures ne supportait pas toute sa force, il y a mêlé de l'huile, sa douceur et son « amour pour les hommes » (Tt 3,4)... Ensuite, il a conduit l'homme jusqu'à l'hôtellerie. Il donne ce nom d'hôtellerie à l'Église, devenue le lieu d'habitation et le refuge de tous les peuples... Et une fois arrivés à l'hôtellerie, le bon Samaritain a témoigné à celui qu'il avait sauvé une sollicitude encore plus grande : le Christ lui-même était en l'Eglise, accordant toute grâce... Et au chef de l'hôtellerie, symbole des apôtres et des pasteurs et docteurs qui leur ont succédé, il donne en partant, c'est-à-dire en montant au ciel, deux pièces d'argent pour qu'il prenne grand soin du malade. Par ces deux pièces, entendons les deux Testaments, l'Ancien et le Nouveau, celui de la Loi et des prophètes, et celui qui nous a été donné par les évangiles et par les écrits des apôtres. Tous les deux sont du même Dieu et portent la seule image de ce seul Dieu d'en haut, comme les pièces d'argent portant l'image du roi, et ils impriment en nos cœurs la même image royale par le moyen des saintes paroles, puisque c'est un seul et même Esprit qui les a prononcées... Ce sont les deux pièces d'un seul roi, donnés en même temps et à titre égal par le Christ au chef de l'hôtellerie...  Au dernier jour, les pasteurs des saintes églises diront au Maître qui reviendra : « Seigneur, tu m'as donné deux pièces d'argent, voilà qu'en les dépensant, j'en ai gagné deux autres », par lesquels j'ai accru le troupeau. Et le Seigneur répondra : « C'est bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je te préposerai à beaucoup. Entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25,23)."

(1) Saint Sévère d'Antioche, Homélie 89 (trad. de Lubac, Catholicisme, Le Cerf 1947, p. 341 rev.), source AELF

09 juillet 2016

Que craignez vous ?

L'Évangile du jour (Mat 10, 24-33) et son commentaire de Jean Chrysostome (1) s'accordent à poser la question ? Que craignez vous ? Et pourtant nous résistons,  englués dans le confort douillet de nos vies, nos peurs d'être dérangés, mis à nu. C'est bien là l'enjeu.  Quitter nos adhérences humaines, nos habits de fêtes (Ex 33), jusqu'à nos sandales (Ex 3), avancer au large, quitter nos certitudes (Gn 15 et 17, Ga 3). Ils étaient nus et il n'en avaient pas honte (Gn 2, 25). Enlever nos habitudes anciennes pour revêtir le Christ (Ga 3,  27). Pour Ronald D. Witherup, c'est pour Paul une allusion au baptême(2),  c'est à dire mourir de l'homme ancien pour vivre en Christ.  
Seigneur,  donnes-nous cette force. Elle ne peut venir que de toi...

(1)Saint Jean Chrysostome, 1ère homélie avant son 1er exil, 1-3 ; PG 52, 427-430
(2) 101 questions,  op. Cit p. 112



Vivre en Christ

J'aime bien le commentaire de Witherup sur l'expression "en Christ" chez Paul. Après avoir rappelé 2 Cor 5, 17 :"Si donc quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature; les choses vieilles sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles", Rom 8,1 :"ceux qui marchent selon l'esprit" et 2 Cor 12, 2.19 , il évoque le fait de s'abandonner à la puissance du Christ de telle sorte que ce soit le Christ ressuscité ‎qui dirige notre vie dans toutes ses dimensions" (1) 

Personnellement j'y vois une facette ultime de la dynamique sacramentelle qui fait du "Une seule chair" de Gn 2 une invitation à s'unir au Christ dans sa vocation miséricordieuse la plus large.

(1) Ronald D. Whiterup, 101 questions et réponses sur Paul de Tarse, Bruxelles, Lumen Vitae 2010, p. 107 (question 60)

08 juillet 2016

Création dynamique

Dans sa très riche analyse de Paul, Ronald D. Whiterup souligne qu'un des traits de sa théologie est celle d'un Dieu créateur qui "continue de créer" l'univers. Il cite pour cela le verset 6 de 1 Cor 8 :"Toutefois, nous n'avons qu'un seul Dieu, qui est le Père, duquel procèdent toutes choses, et nous sommes pour lui; et un seul Seigneur Jésus-Christ, par lequel sont toutes choses, et nous sommes par lui.‎"

Dans "Où es-tu mon Dieu, souffrance et création", j'aborde ‎ce sujet du Dieu omni-créateur en introduisant une limite celle de notre liberté. Tension ? Oui si l'on considère notre liberté comme toute puissance, non si l'on accepte de penser que nos erreurs font partie d'un plan de Dieu qui nous dépasse. (1) Ronald D. Whiterup, 101 questions et réponses sur Paul de Tarse, Bruxelles, Lumen Vitae 2010, p. 101 (question 57).


07 juillet 2016

Face à la barbarie - Saint Jean-Paul Il

En ces périodes de trouble, j'apprécie tout particulièrement ce texte que nous rappelle l'AELF dans sa méditation du jour, Jean Paul II y évoque les événements du 11 septembre et conclut :"quel est le chemin qui conduit au plein rétablissement de l'ordre moral et social qui est violé de manière aussi barbare ? La conviction à laquelle je suis parvenu en réfléchissant et en me référant à la révélation biblique est qu'on ne rétablit pleinement l'ordre brisé qu'en harmonisant entre eux la justice et le pardon. Les piliers de la véritable paix sont la justice et cette forme particulière de l'amour qu'est le pardon." (1)

A méditer à la lumière de la Croix et de cette phrase issue du Cantique des Cantiques : "Fort comme la mort est l'amour" que nous aimons transformer en cette année de la miséricorde en disant, à la suite de nos pères "L'amour est plus fort que la mort"

(1) Saint Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2002, §1-2 (trad. © Libreria Editrice Vaticana)

06 juillet 2016

Le choix de Judas

" Il a voulu l'abandon, il a voulu la trahison, il a voulu être livré par son apôtre, pour que toi, si un compagnon t'abandonne, si un compagnon te trahit, tu prennes avec calme cette erreur de jugement et la dilapidation de ta bonté" (1)

À contempler

(1) Saint Ambroise, Commentaire sur l'évangile de Luc, V, 44-45 (trad. cf SC 45, p. 199)

05 juillet 2016

Pape François - Une pensée ouverte

Dans son deuxième  commentaire de l'interview qu'il a eu avec notre pape, Antonio Spadaro souligne un point qui mérite d'être commenté tant il rejoint nos travaux sur la dynamique :"le pape François donne du jésuite (et donc de lui même)" une définition qui donne à penser :"une personne incomplète à la pensée ouverte" et encore "Le jésuite pense continuellement, en regardant l'horizon et en mettant le Christ au centre" (...) Pour lui c'est en marchant qu'on ouvre le chemin (1).

Revenons sur la première définition. L'incomplétude est signe d'humilité. S'il est incomplet c'est bien parce qu'il reste en mouvement, ouvert sur le monde et surtout sur ce que Dieu veut. L'enjeu est d'articuler "recherche, créativité générosité" et "humilité, sacrifice courage" (2), allant jusqu'à la "kénose", à "sortir de notre amour de notre volonté et de notre intérêt" (3)

Nous rejoignons là nos travaux sur "kénose et miséricorde".

(1) Le pape François, L'Église que j'espère, Flammarion/Etudes, 2013 p. 56
(2) p. 57
(3) p. 59

04 juillet 2016

Vide et plénitude - Saint Thomas d'Aquin

La quête de l'Aquinate, toute centrée sur la compréhension de "l'esse" est aussi un lieu d'humilité. Selon Balthasar, la plénitude et le vide qui frappait Nicolas de Cuse et Thomas "fait déclarer qu'au fond de toute précision se trouve l'imprécision (...) [et conduit] l'homme à osciller entre grandeur et misère. Cette zone intermédiaire exige comme fondement constant d'une métaphysique une humilité active de chaque instant, qui, sans renoncer à la vérité, ne revendique jamais une vérité définitive et quasi divine" (1), mais s'approche du réel, "le pénètre et cependant le dépasse"(2).‎
N'est-ce pas toute notre quête face à un Dieu qui se voile et se dévoile pour nous attirer sans contrainte ‎dans ses filets et nous conduire à contempler son plan pour l'homme sans en tirer gloire.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC7, op Cit p. 78
(2) ibid.


Le désir de Dieu - Mechtilde de Magdebourg

Contempler "Dieu, brûlant de désir" qui sort de lui et va dans "ce qui est étranger à Dieu", éveille par là le désir de l'âme, la submerge de son flot et l'oblige à se répandre avec lui, dans l'excès de sa plénitude, sur tout ce qui est étranger, nous pécheurs, "l'imperfection des clercs", "la misère des pauvres âmes" dans la plus totale liquéfaction (2), tel est pour moi l'enjeu d'une vision de la kénose trinitaire.
Malgré ses élans poétiques et mystique il y a chez Mechtilde comme chez François d'Assise une approche superbe de la diffusion de la bonté et de la grâce divine qui rejoint ce que je tente maladroitement de décrire dans l'amphore et le fleuve, puis dans Kénose, humilité et miséricorde

(1) Mechtilde de Magdebourg, La lumière de la divinité qui se répand, cité par Hans Urs von Balthasar, in GC7, op Cit p. 64
(2) Balthasar ibid.

03 juillet 2016

Humilité et beauté

Dans la mouvance de ma trilogie sur Humilité et miséricorde, je ne peux que relever cette belle prière de louange de François d'Assise :"Tu sei amore et charità, Tu sei sapienta, Tu sei humilità, Tu sei patienta, Tu sei belleza... Tu sei bonté infinita" (1)

Là où Balthasar ajoute un commentaire c'est de montrer que l'axe de François dépasse la distinction entre datio et donatio d'Erigène‎ ou entre création et décoration de l'école de Chartres pour ouvrir à une autre dimension soulignée par Thomas d'Aquin et propre à François celle qui met en "harmonie [douloureuse] humilité, pauvreté et beauté" (2)

(1) François d'Assise, Bénédiction et louange pour frère Léon in Franz von Assise, Legende und Laude, O. Karrer, 1945, 3eme édition, p. 552 cité par Hans Urs von Balthasar, GC7, op. Cit p. 57.
(2) GC7 p. 58.

02 juillet 2016

Le summum de la bonté

Dans les résumés saisissants de Balthasar qui nous portent de l'école de Saint-Victor à l'école de Chartres, puis à la métaphysique de Thomas d'Aquin ressort à la fois la recherche de l'être dans une dynamique trinitaire et le bon et le beau comme sommet de l'esse divin. Quel est l'enjeu de son discours sinon de nous conduire, au delà d'un lien trop étroit entre Trinité et création vers la contemplation de la Bonté comme centre et finalement du Christ comme seule forme, figure et sommet de la révélation.
On comprend cela quand il cite E. Gilson qui affirme que "l'exemplarisme est le coeur de la métaphysique" (1).
Une question se pose. S'est-on éloigné de l'imitation paulinienne ? Tout ce détour par les Transcendentaux est-il nécessaire ?
Ne cédons nous pas là au rêve, à la tentation mystique ? Oui et non, tant la contemplation du beau peut être porte du ciel. Et pourtant la gloire du Christ n'est pas dans sa beauté platonique, elle réside dans sa pauvreté et sa kénose et la beauté du Christ en Croix est d'un autre ordre que les canons de l'esthétique.

(1) Etienne Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, 12eme édition (1943), p. 120, cité en GC7 p. 54

01 juillet 2016

Se laisser envahir

Il nous faut contempler " l'envahissement de l'amour incompréhensible de Dieu qui nous crée et nous fait don du monde" (1) nous dit Hugues de Saint-Victor. Pourquoi parle-t-il d'incompréhension ? Est-ce pour souligner notre indignité foncière face à l'abondance de l'amour du Père. Je pencherai ‎plutôt, à la suite de Bonaventure, pour cette image de l'homme debout dans le fleuve et tenant une pauvre amphore, telle qu'évoquée également par Balthasar en GC2 (2).

(1) Arrha an., II, 959 sq. Cité par Hans Urs von Balthasar in GC7, op Cit  p. 41.
(2) titre repris pour mon livre : l'Amphore et le fleuve.